jeudi 13 décembre 2007

Partie 2 : Prologue

Prologue

Celui qui a de l’espoir voit le succès où d’autres voient l’échec

O.S. Marden

« Bien sur que non, on ne repart pas sur Plume »

Tempête me regardait comme si j’avais fait la proposition la plus insensée qu’il puisse être imaginée et dédaigna le bracelet qu’elle avait « emprunté » selon ses dires au conseiller Sinshy. Il s’agissait d’une sorte de minuscule ordinateurs rassemblant une multitudes de données inutile. De son emploi du temps aux travaux en cours. « Ca fait quatre ans que je me pourrie la vie ici dans le seul but d’avoir accès aux technologies des Maÿcentres pour mes recherches. Je ne vais pas tout laisser tomber maintenant. J’ai étudié tous les travaux et tous les documents rassemblés par Espoir avant sa mort et je peux t’assurer qu’il s’agit d’un sacré travail. Ton père avait regroupé une mine d’information fabuleuse et sûrement pas en suivant les directives des Maÿcentres ni celle de la Terre. Il a passé plusieurs années sur Terre avant ta naissance, encore d’autres il y a une dizaines d’année et presque trois ans avec ta mère et toi sans que personne n’en sache rien.

- Je pensais que tu t’occupais exclusivement de faire des études au niveau des plantes curatives pour la Terre ?»

Je savais pertinemment qu’elle me cachait une bonne partie de ses recherches aussi, je ne m’étonnais nullement de l’entendre parler ainsi. Elle ne prit pas la peine de répondre à ma question.

« L’arrogant président Eysky veut que je quitte les Maÿcentres, dans ce cas, je quitterai les Maÿcentres sans regret. Mais moi, je retourne sur Terre, je reprends les travaux de ton père car je suis sûre que lui aussi ne s’intéressait pas qu’aux relations diplomatiques ».

J’ouvris de grands yeux et me tournai vers Sentiment. « Tu ne vas pas la laisser faire ça ?

- J’ai renoncé à tenter de l’empêcher de faire quoi que ce soit. De toute façon, elle ne m’écoute pas. Par contre, je l’accompagnerai, espérant réduire la perturbation au minimum.

- Vous avez déjà oublié le désastre de notre dernière escapade ? Je me souviens encore la façon dont nous nous sommes faites remballer quand vous êtes venues me chercher.

- Là, c’est différent » reprit Tempête, « notre départ est prévu, on aura juste l’itinéraire à changer. On part des Maÿcentres, on va jusqu’à la plate-forme de plissement de l’espace, on change discrètement les coordonnées après s’être assurées qu’on n’est pas suivi et le tour est joué. Personne ne nous retrouve jamais.

- C’est ça, et au niveau de la Terre ? »

Tempête se mit à rire mais surtout par nervosité. Elle avait beau dire, elle était furieuse à l’idée d’être chassée ainsi. « Ces hommes ont devant leurs yeux des restes de civilisations extraordinaires, un monceau de mystères sans explication et ils ne s’en préoccupent même pas alors pourquoi se questionneraient-ils plus à mon sujet ? En plus, j’ai une autorisation en bonne et due forme » dit-elle en me tendant un document signé par le général Gentry.

« Cela dit » précisa-t-elle, comme si je ne savais pas lire, « que nous avons le droit d’aller sur Terre selon notre bon vouloir, faire toutes les recherches qui peuvent nous être utiles.

- Une autorisation obtenue ainsi n’a pas grande valeur.

- Ca, ils ne savent pas comment je l’ai obtenue. Ils m’ont juste dit qu’on ne pouvait rien refuser à une personne aussi charmante.

- Dans ce cas, tu n’as pas besoin de moi. Une personne aussi charmante trouvera bien ses renseignements toute seule.

- Bien sur que si, j’ai besoin de toi. Je sais à peine lire l’anglais. En plus, je ne sais pas m’y prendre pour trouver les informations. Il faut chercher dans des tas de machines compliquées. Je n’y connais rien là-dedans. Et surtout, je te rappelle qu’Eysky ne veux plus te voir ici.

- Il a dit ça sur un coup de tête, ça lui passera.

Plumeau passa la tête par l’entrebâillement de la porte du salon : « Le président Eysky et la Syhy Lytyl attendent dehors.

- D’accord, je m’en occupe » dis-je aux deux filles soulagées de se débarrasser si facilement de la corvée. Ils n’avaient pas attendu longtemps ces deux-là.

« Votre domestique a refusé de nous laisser entrer » s’exclama le Président à peine avais-je ouvert la porte.

« Je crois que vos gardes l’ont vexée hier. Ils l’ont menacée de lui trouver un vrai travail sur les Maÿcentres ».

Une légère fragrance d’incrédulité se dégagea du président. Il ne devait pas comprendre en quoi ce pouvait être une proposition si dégradante mais il n’insista pas. Il n’était pas venu pour ça, malheureusement.

« Nous devons parler à Orage.

- L’Adarii Orage n’est pas encore levé. Pour tout vous dire, nous avons été retenus assez tard hier par certaines personnes indélicates et…

- Pluie, n’envenime pas les choses, laisse-moi cet honneur. J’arrive

Je soupirai. « Il arrive ».

Le jour était levé et le soleil déjà chaud. Nous étions passés d’un hiver froid et noir à un été ensoleillé en quelques jours. Etais-ce pour profiter du soleil retrouvé que je leur proposai de s’installer autour d’une des fontaines du jardin ? Non, au fond de moi, je savais bien que la raison était tout autre : je n’avais aucune envie de les voir gâcher encore la douce retraite de la villa.

Orage arriva à peine quelques minutes plus tard, heureux de constater que seul le président et la Syhy s’étaient déplacés.

« Allez, finissons-en. Dites-moi tout Syhy. Aurais-je le plaisir de m’unir à votre fille ?

- Jamais », cracha-t-elle. « Comment pouvez-vous imaginer que quelqu’un d’aussi perverti que vous puisse avoir droit à un tel honneur ?

- Vous m’en voyez désolé » répondit Orage tout sourire.

« Il a été conclu », dit le président, « que Syhy Dyasella Lïtïl sera soumise à une période de réclusion d’un an à son domicile.

- Pour réfléchir à son comportement outrageux », précisa sa mère.

« Ensuite », continua le président. « Elle vivra avec Syhy Ryun Eïskï selon les coutumes matrimoniales des Maÿcentres. »

Tout ça pour ça ! Ca valait le coup de faire de telles simagrées.

- En ce qui vous concerne Adarii, je vous suggère de faire de même ».

Orage rit franchement. « Je suis en réclusion depuis que je suis arrivé ici.

- Alors, disons qu’à partir d’aujourd’hui, c’est pire. Vous n’avez plus accès aux réunions du conseil, vous ne sortez plus de la villa sans autorisation, vous…

- Taisez-vous ! Vos coutumes ne me regardent pas.

- Ce n’est pas une coutume », reprit Eysky « c’est un ordre du président.

Et ce n’est pas tout. Tout comme Dyasella se verra forcée de ne pas voir son fiancé pendant un an, vous devrez de même vous séparer de vos petites amies. »

Loin de s’offusquer, Orage sourit à cette idée. « Comme il vous plaira Président. Tempête est déjà en train de faire ses bagages. Elle ne supporte plus vos insultes quotidiennes et a décidé de quitter les Maÿcentres. Sentiment l’accompagne d’ailleurs ».

Et voilà comment l’exil des deux filles se transformait en une décision de leur part.

« Et elle ? » La Syhy me pointa du doigt comme elle aurait désigné un excrément.

- Pointe ça ailleurs.

Je la regardais multiplier ses efforts pour garder son doigt vers moi, mais ma volonté était la plus forte. Elle baissa le bras mais me lança un flot de paroles injurieuses.

« Ca suffit Syhy. J’étais prêt à faire un effort, mais votre comportement est nettement plus insultant pour nous que tout ce que j’ai pu faire à votre fille. Faites vos excuses à l’Adarii Pluie de suite. »

La Syhy hurla encore plus fort qu’Orage : « Jamais ! C’est à elle de s’excuser.

- Vous avez raison, de simples excuses ne suffiraient pas à réparer un tel affront. » J’étais hors de moi, j’aurais voulu la frapper. D’ailleurs, j’allais la frapper.

Orage m’attrapa le bras au vol. - Surtout pas Pluie. Tu en as déjà fait suffisamment à ce niveau.

Je me détournai d’Orage et mes yeux se portèrent sur la fontaine. - Pourquoi pas un bon bain alors.

- Non Pluie, cesse d’agir sans réfléchir. Il faut faire preuve de diplomatie et c’est ma spécialité. Nous sommes au bord du gouffre. Reste à savoir si nous sautons avec ou sans parachute. Va rejoindre les autres et laisse-moi m’occuper de ça.

J’obéis à contrecœur, bien consciente qu’il avait raison. En passant près du président, je m’arrêtai et murmurai à sa seule intention : « Vous feriez bien de cloîtrer aussi Ryun. Après tout, je ne suis pas sûre qu’il soit si sage que ça lui non plus.

- Ryun n’a jamais rien fait.

- En général, vous avez toujours besoin de moi pour être certain de ce genre de chose. Vous imaginez vraiment que je ne sais rien de compromettant ? »

Je le laissai à ses réflexions, heureuse d’avoir semé si facilement le trouble dans son esprit et remontai auprès des filles.

***

« Parle-lui de tes stupides théories, ça lui changera les idées »

Je venais de faire un résumé de la situation à Tempête. On se retourna toutes les deux vers Sentiment qui avait prononcé ces paroles.

« Ce n’est pas stupide », dit Tempête. « Peut-être un peu poussé mais pas stupide. Tu connais l’hypothèse de Vengeance selon laquelle, le peuple Adarii viendrait d’une mutation sur Saphir ? »

Oui, je connaissais. Ce n’était fondé sur rien mais ils n’avaient pas trouvé mieux alors, ils s’en contentaient.

« Je n’y crois pas » ajouta Tempête

« Moi non plus et alors ?

- Disons, pour faire simple, que si toutes les civilisations des différentes planètes connues viennent de la Terre comme je le pense. Alors, les Adarii viennent de là aussi. Et après tout, serait-il totalement absurde de penser qu’ils aient laissé quelques traces ? »

J’éclatai de rire. « Oui, ça l’est. Tu comptes aller sur Terre fouiller des ruines dans l’espoir de trouver des armes de notre peuple dont personne n’a jamais entendu parler sûrement dans le but de détruire les Maÿcentres avec Orage ?

Je le regardais cherchant à déceler quelques traces d’humour dans ses propos mais, malheureusement, elle semblait sérieuse.

« Ecoute Tempête, j’adore tes excentricités, mais là non, c’est l’excuse la plus lamentable que tu n’aies jamais inventée pour justifier tes recherches.

- Non Pluie, tu n’as pas tout à fait suivi. J’affirme qu’il y a des traces d’éléments de notre culture sur Terre. Durant le peu de temps que j’ai pu passer sur cette planète, la première fois il y a quatre ans où je suis restée deux mois et la deuxième fois il y a deux ans quand je suis venue te chercher, j’en ai trouvé pleins. Des étymologies similaires, des éléments pictographiques, ainsi qu’au niveau du langage, des consonances en particulier. Des éléments architecturaux aussi, par exemple l’utilisation de blocs de pierre de plusieurs tonnes dans les constructions.

- Imaginons même tout ce que tu veux, ça remonte à quinze mille ans qu’est ce que tu espères trouver ? »

- Faux, ça remonte à 8000 ans. En tout cas, la colonisation de Saphir remonte à 8000 ans. »

- Là, du coup, c’est bien trop récent. Si une civilisation assez avancée pour voyager dans l’espace existait encore sur Terre il y a à peine 8000 ans, ça ce saurait. Leurs techniques de recherche sont très évoluées, plus que celles de Vengeance même, sur certains points.

- Ecoute Pluie, je suis persuadée qu’il existait d’anciennes civilisations sur Terre qui sont à l’origine de la colonisation des différentes planètes et tout me porte à croire qu’il y avait au moins une civilisation Adarii. Après, quelles étaient leurs capacités ? Où sont-ils partis ? Quand sont-ils partis ? Je n’en sais rien mais je le saurais. Les Terriens ont les moyens mais ils ne savent pas quoi chercher. Je réussirais là où ils ont échoué. Les Maÿcentres ne se contenteront pas de nous chasser de chez eux, ils nous détruirons. Si je peux avoir une chance, même infime, de trouver le moindre élément concernant une puissance Adarii. Je veux le tenter. Et à part sur Terre, je ne vois pas où chercher.

- Sur Saphir

- Des dizaines d’explorateurs ont fouillé Saphir. Il n’y a rien là-bas ou alors, plus vraisemblablement, tout a été détruit lors du traité de désarmement. Non, pour l’instant, la Terre est le seul point de départ qui n’ait pas encore été fouillé. »

Je ne savais plus que penser. Je regardai Sentiment, cherchant un soutien. En général, elle était plus raisonnable que Tempête « Dis quelque chose, toi ! »

Elle passa une main dans ses cheveux et réfléchit un instant, pesant ses mots : « Disons que c’est un peu poussé, mais là, elle t’a fait un résumé et c’est vrai que certains éléments sont assez troublants. En particulier avec cette ville de Tiwanaku. Cette cité qu’évoquait Espoir dans ses derniers documents. Elle pense qu’elle pourrait être une fondation de l’empire Tiyana. Mais, elle t’en parlera pendant des heures durant le voyage

- A cause d’une consonance de nom sans doute ? Il y a suffisamment de villages sur Terre pour trouver des similitudes à tout et n’importe quoi. En plus, le vocabulaire évolue si vite qu’on ne peut rien conclure sur une telle période ».

Je me tournai vers la porte. Orage était sur le point d’arriver. Je sentais mon cœur battre de plus en plus vite. Avant même qu’il ouvre la porte, je sus qu’il souriait, ce qui me rassura un peu.

« Alors ? » dit Tempête dès qu’il passa la porte.

« Je reste ici, aussi libre et aussi coincé qu’avant. Je n’ai plus accès au complexe du conseil sauf suivant le bon vouloir d’Eysky, et c’est lui qui viendra ici pour les liaisons avec Glace.

- C’est intolérable », cria Tempête. « Comment as-tu pu accepter ça ? »

Orage grinça entre ses dents. « Comment j’ai pu ? Tempête, nous sommes fichus. C’était ça ou foutre le camp. J’ai accepté juste pour gagner du temps afin de pouvoir préparer mon départ. En plus, il n’y a pas que moi à prendre en compte. Si aucun d’entre nous ne reste sur les Maÿcentres, ils s’empresseront de renvoyer Glace de la Terre vu qu’il n’aura plus aucun intérêt.

Autre chose : Pluie s’en va aussi.

- Comment ça, je m’en vais ? Tu m’avais dit que tu t’occupais de ça ?

- C’est-ce que j’ai fait. Je leur ai dit que tu t’en irais sans faire d’histoire et en échange, j’ai gagné le droit de pouvoir me déplacer librement sur la colline du conseil.

- Tu m’as vendue pour une ballade !

- Ne sois pas stupide, tu as signé ton départ en frappant Ryun. C’était de loin l’idée la plus aberrante que tu n’aies jamais eu. C’est ton séjour sur Terre qui t’a appris ce genre de chose ?

- Il le méritait.

- Imposer une douleur physique est la pire chose possible sur cette boule de dingues. Si tu n’étais pas Adarii, ils t’auraient sans doute envoyée faire un tour sur le satellite prison Exil pour ce genre de chose. Cela dit, à mon avis, tu étais déjà condamnée à partir avant, alors perdue pour perdue, ce n’était pas mal de finir en beauté.

Il va falloir aller vite. Tempête et Sentiment, vous partez sur Terre, il faut qu’on en sache plus sur les hypothèses de Tempête, c’est notre unique piste possible pour l’instant. Pluie ira avec vous. Tu iras voir Emma. Tu dois la convaincre que tu n’es pas retenue ici contre ta volonté et tu l’obliges à la fermer par n’importe quel moyen.

Si les Maÿcentres nous renvoient de la Terre, il n’y a pas besoin en plus qu’elle nous démolisse aux yeux des Terriens.

- Ca, de toute façon, les Maÿcentres s’en chargeront.

- Bien sur, tu oublies qu’ici, ils ne savent pas tout. Ils ne savent pas qu’Espoir a passé plusieurs années sur Terre, qu’il faisait des expériences plus que douteuses et que sa fille est un hybride Terrien. Tu veux vraiment que ça se sache ? Je ne sais pas qui se délecterait le plus de ses croustillantes informations entre la Terre et les Maÿcentres ? »

Je regardai Orage complètement affolée « D’accord murmurai-je, j’irais. »

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