samedi 29 mars 2008

Partie 2 chapitre 11

11

"Tonnerre de midi Amène la pluie."

[Proverbe français]


Les paroles de Glace m’avaient gâché la soirée et, même une fois couchée, j’avais encore l’impression de l’entendre. Pourquoi ne me proposait-on jamais rien d’intéressant ? Les deux jours qui suivirent, je vis à peine Glace. Il partait alors que je dormais encore et revenait le soir alors que j’étais déjà couchée. Les journées s’éternisaient. Même le conseiller Umya ne venait plus me voir. Mes nuits étaient peuplées de rêves bizarres et d’idées noires. J’étais enfermée dans une pièce lugubre et ma mère me faisait un de ses interminables discours. J’étais au bord de l’océan, je ne le voyais pas, mais je sentais son odeur iodé et salé. Il y avait aussi Orage, je ne sais pas ce qu’il faisait là, il me regardait avec ses grands yeux verts, si clair et si pénétrant à la fois derrière ses longs cils noirs et je ne pus m’empêcher de me blottir dans ses bras.

« Tu confonds tout Pluie »

J’ouvris les yeux. Ce message à la fois mental et si réel me sortit de mes rêves.

- Ce ne sont pas des rêves, enfin pas tout. Ta mère est un rêve. Orage est un fantasme qu’il veut te faire partager pour te prouver à toi-même que tu ne peux pas te passer de lui. Quant à l’océan ! Une odeur ne peut-être un rêve, une odeur est la représentation mentale de quelqu’un.

Je regardais autour de moi. J’étais assise au milieu d’une immense prairie. De l’herbe s’étalait à perte de vue, couverte de fleurs des champs se balançant doucement sous la brise et, le silence. Aussi loin que se portaient mes yeux, il n’y avait rien. Pas d’arbre, pas d’habitation, même pas le moindre relief, que de l’herbe parsemée de fleurs. J’étais seule pourtant, je sentais une présence.

« Qui êtes-vous ? » Mes mots raisonnaient bizarrement dans ce décor irréel, comme plaqué.

« Insignifiante et inutile petite Pluie, tout bouge autour de toi et tu restes ici. Si je rétablissais l’équilibre ? »

Je m’étais retournée dans la direction d’où venait la voix. Un petit garçon se tenait devant moi. Il cueillait des fleurs. Il en portait déjà une immense gerbe.

Je me pris la tête dans les mains. J’étais à Archuleta, enfermée dans une base souterraine. Tout cela n’était qu’un rêve, ce n’était pas réel. J’allais me réveiller.

« Sens » disait le petit garçon m’enfonçant presque son bouquet sous le nez.

J’écartais les fleurs qui me chatouillaient les narines. « Je ne sens rien.

- Alors, tu as raison. C’est bien un rêve.

- Qui es-tu ?

- Nous sommes le début, nous sommes la fin, nous sommes le temps et l’espace, le vrai et l’imaginaire. Le corps et l’esprit. Nous sommes ce que tes amis recherchent mais ne trouveront pas. Pour ma part, tu peux m’appeler Onirique » Il saluait en disant cela. Son bouquet s’était volatilisé et l’horizon se métamorphosait. Des montagnes semblaient sortir du sol, mais sans bruit ni tremblement de terre, comme si quelqu’un les dessinait autour de moi. Deux grands pics s’élevaient me cachant la lumière du soleil me faisant frissonner. Un torrent jaillissait à mes pieds et je fis un bon de coté pour éviter l’eau qui se déversait maintenant entre deux rochers sortant du sol, avant de se transformer en un fleuve tumultueux. Je tendais la main et touchais l’eau. Elle était glacée.

« Où sommes-nous ici ? » Tout en disant cela, je cherchais des yeux le petit garçon. Il n’était plus là. A sa place, se trouvait un homme d’une vingtaine d’année. Il portait une simple tunique de lin sur un pantalon en cuir marron et souriait du plus beau sourire que je n’avais jamais vu. « Nous sommes aux origines. Nous sommes là où personne n’était et où aujourd’hui personne ne veut aller. A toi, Pluie, je te donne le pouvoir d’y aller »

- Mais, ce n’est qu’un rêve ! Tout cela n’est pas la réalité ?

Il s’était approché, effleurant ma joue de son doigt et recouvrant mon corps de frissons. « Rêve, réalité, pourquoi tout cloisonner ainsi ? Mais, c’est une bonne idée, cherche Réalité »

J’avais levé les yeux vers ce visage si parfait.

Une voix sortie de nulle part m’avait décontenancé. « Encore avec elle ?

Le jeune homme avait détaché ses yeux des miens me laissant un abominable sentiment d’abandon.

« Pour elle, ça fait des années que je ne suis pas venu. Elle ne me reconnaît même pas.

- Ce n’est pas une raison

- Tu as tué le père et je m’occupe de la fille n’est-ce pas que justice.

- Je n’ai pas tué son père.

- C’est tout comme.

- Il s’approchait trop près de moi.

Onirique riait, envoyant sa tête en arrière avant de plonger à nouveau ses yeux dans les miens. Je le regardais subjuguée osant à peine respirer. « Personne ne peut s’approcher de toi Vérité, et ta méfiance rend l’univers d’un ennui… »

Je voulais aller vers lui, me perdre dans ses bras et ne plus jamais en sortir mais à peine avais-je tendu le bras qu’il avait disparu dans un souffle d’air.

« Tu lui en as trop dit. » disait encore une voix perdue.

- Je ne suis qu’un rêve Vérité, un simple rêve qu’on oublie au réveil.

Tout devenait noir autour de moi. Je sentais encore une caresse sur ma joue qui se propageait dans mon corps bien plus doux que les plus fines soies du désert rose de Plume et le souffle de ses lèvres à mon oreille. « Oublie-moi Pluie ». Oublie-moi et réveille-toi.

« Réveille-toi ». Une main frôlait ma joue. Ce contact me réveilla et je me retrouvai sur mon matelas dans cette base sordide au milieu d’une obscurité totale. Quelqu’un plaquait sa main sur ma bouche. Sors hurlais-je mentalement. « Cesse ça, c’est moi » chuchota une voix.

« Mike ? »

Il affaiblit ses protections contre moi, juste de quoi me laisser voir ses pensées superficielles. Il n’imaginait pas quelqu’un oser venir me réveiller, ils avaient tous bien trop peur de moi.

- Fais-lui confiance me lança Glace dans le même temps.

« Qu’est-ce que tu fais là ? Que me veux-tu ?

- Le président Synshy est arrivé plus tôt que prévu.

Tout le monde s’est précipité sur la plate-forme auprès du vaisseau présidentiel. Je me suis occupé des gardes devant votre porte. Je retourne au central de sécurité, il n’y a que de là que je pourrais ouvrir la porte d’entrée et bloquer les caméras de sécurité. Je vous laisse trente minutes. Débrouillez-vous pour être devant l’entrée à ce moment-là et pour avoir neutralisé les gardes. »

Il me remit une carte magnétique indispensable pour pouvoir sortir et disparut englouti par l’obscurité tandis je restais, hébété dans mon lit, perdue entre les informations de Mike et quelque chose d’autre que je n’arrivais pas à cerner -File

L’ordre de Glace résonnait dans ma tête. Il pouvait parler lui. Ce n’était pas si facile.

Je m’habillai le plus vite possible et sortis dans le couloir. En effet, il était désert. Je ne sais pas à quel moment je commençai vraiment à me rendre compte de la situation. Dès que le nouveau président apprendra que j’étais ici, il sera furieux. Il serait capable de m’enfermer, voire pire, de m’envoyer sur le satellite Exil. Je commençai par avancer doucement, me collant contre le mur puis, de plus en plus vite et me mis à courir. Courir pensais-je en traversant les couloirs à toute vitesse. Ne pas me faire voir. Ne pas paniquer. Surtout, ne pas paniquer. Je me répétais cette phrase tout en déambulant dans les couloirs déserts. Ils étaient tous avec Synshy, je n’avais pas à m’inquiéter. Je tournai sur une nouvelle galerie, celle-là n’était pas éclairée. Au moins, je serais moins visible mais je ne voyais rien non plus et je ne tardais pas à trébucher. On se calme, pensai-je en me relevant et frottant ma cheville. A courir ainsi dans le noir, je faisais n’importe quoi. Je m’appuyai contre le mur le temps de reprendre mon souffle. Je ne risquais rien, j’étais Adarii, mais je n’étais plus sûre de rien. Que serais-je si je me faisais attraper par Synshy ? Un rat de laboratoire pour les Terriens ? Les traîtres des Maÿcentres, ils les envoyaient tous sur une planète sans espoir d’en sortir et ils se débrouillaient entre eux. Pourraient-ils m’envoyer là-bas ? Je secouai la tête. Non, on n’envoyait pas les dignitaires sur Exil et Plume n’était pas soumise aux lois de la confédération Vengeance-Maÿcentres. Même, dans ce cas, on viendrait me chercher. Je secouai la tête. Ce n’était pas le moment de penser à ça. J’avais repris mon avancée. Sortir d’ici, rejoindre les filles, retourner sur Plume. Le boyau descendait plus profondément dans la roche. Ce n’était pas normal, j’aurais dû remonter. Je continuai quelques minutes ainsi, m’affolant de plus en plus. On allait remarquer mon absence et bloquer les issues. Non, il n’y avait pas de raison de le remarquer avant le lendemain et au moins, cette nouvelle galerie était faiblement éclairée. Et si Sinshy n’attendait pas jusque-là ? Si il voulait me voir dès ce soir. Quelqu’un venait. Non plusieurs. Je cherchais un endroit où me cacher. Trop tard réalisai-je en apercevant les ombres de deux personnes arrivant vers moi.

Ne me vois pas ordonnai-je dès qu’ils posèrent les yeux sur moi. Ils continuèrent à me fixer passant devant moi sans s’arrêter. Je répétais encore, mon ordre mental alors qu’ils avaient disparu et que je n’avais plus aucun contrôle sur eux et m’agenouillai en me soutenant contre le mur. Ce n’était pas le moment de flancher pensai-je avant de me relever et de me remettre à avancer. Un autre couloir et enfin, je commençais à me repérer. J’étais arrivée au niveau des quartiers des officiers Terriens, ce n’était plus très loin de la sortie. Je me plaquai contre le mur tandis qu’une caméra de sécurité venait vers moi. Je les avais oubliées celle-là, peut-être m’avaient-elles repérée depuis longtemps mais Mike devait gérer ça, à condition qu’on puisse réellement lui faire confiance. Au cas où, il n’était plus temps de traîner. Je m’apprêtai à repartir quand, tout d’un coup, je me souvins que j’avais laissé dans la chambre le sac contenant les bouts de métaux trouvés dans la grotte. « Non » dis-je tout bas en tapant rageusement du poing contre le mur. C’était trop bête, je n’allais pas faire demi-tour pour si peu. Je m’apprêtai à continuer mais m’arrêtai de nouveau au bout de quelques pas. J’avais promis à Tempête et Sentiment d’emmener ses pièces à la conseillère de Maniya. C’était la seule chose qu’on m’ait demandé. J’hésitais encore. Il me restait dix minutes. Si je ne me perdais pas, je serais à peine en retard. Je perdis encore quelques secondes à pester et fis demi-tour. N’empêche que la rage m’avait donné des ailes. Je n’avais plus peur et retrouvais bien vite mon chemin. Il ne me restait plus que quelques mètres à parcourir quand ils me tombèrent dessus.

D’abord, ça avait été le couloir qui s’était illuminé d’un coup, d’une lumière bien trop forte après les simples veilleuses de nuit. Puis ça avait été des bruits de pas. Beaucoup trop. Ils avaient résonnés bien trop fort dans le couloir si silencieux quelques secondes auparavant. J’étais restée bêtement paralysée, ne sachant que faire avançant d’un pas pour rejoindre les derniers mètres me séparant de la chambre, puis me ravisant pensant ne pas avoir le temps, tandis que les pas retentissaient de plus en plus fort, de plus en plus nombreux et pressant. J’avais préféré faire demi-tour. Puis, faisant volte face, j’avais pensé qu’en me dépêchant je pourrais atteindre le couloir de gauche et m’y cacher. Puis je m’étais dit qu’il serait plus judicieux de faire demi-tour. Mais, si je pouvais atteindre la porte, je pourrais me cacher dans la chambre. Mais, s’ils me cherchaient ce ne serait pas une cachette bien judicieuse. Si bien qu’au milieu de toutes ses réflexions, j’étais restée plantée là dans une sorte de danse insensée où je me tournais dans toutes les directions sans savoir laquelle prendre. Je m’étais figée quand étaient apparus une dizaine d’hommes en face de moi. Ils portaient l’uniforme de la garde présidentielle des Maÿcentres et leurs grands manteaux noirs dans cet environnement lugubre leur donnaient l’apparence de spectres. Ils me faisaient penser aux représentations Terriennes de la mort. Ils ne leur manquaient que la faux. Evidemment, ils me reconnurent de suite et ils m’ordonnèrent de les suivre d’une façon bien trop cavalière. Autant, avant mon départ des Maÿcentres, ils faisaient preuve d’un certain respect, autant maintenant, ils ne se souciaient pas le moins du monde d’y mettre les formes. Au contraire, ils prenaient un certain plaisir à se défier les uns les autres à celui qui aurait le plus d’aplomb quant à la façon de se comporter à mon égard. Un des hommes n’hésita pas à me demander ce que je faisais hors de mes quartiers en pleine nuit. Un deuxième poussa même l’audace à remarquer que j’étais sans doute somnambule. Un troisième surenchérit comme quoi ce n’était sûrement pas nos crises de somnambulisme qui nous poussaient à fourrer notre nez partout. Je me retournais d’un coup pour voir d’autres hommes arriver par derrière. Des hommes d’Archuleta ceux-là. Terriens, ils étaient armés.

Les remarques désobligeantes fusaient toujours. Ils se sentaient protégés par le monde. Ils n’avaient pas tort. Je fis un rapide point sur la situation. Ceux des Maÿcentres se défoulaient en parole mais se forçaient à éviter mon regard. De toute façon, avec leurs capuchons, il était bien rare que j’arrive à voir leurs yeux. Les Terriens eux, moins habitués, n’hésitaient pas à se donner un air supérieur en me toisant des pieds à la tête, mais je ne voyais pas bien à quoi ça m’avançait vu leur nombre. Je me sentais prise au piège pourtant, je ne pus m’empêcher de répliquer : « Le prochain qui dit un mot, je m’en prends à lui personnellement. »

C’était stupide et, objectivement, je ne savais vraiment pas comment. Pourtant, ça les calma. Ou alors, était-ce l’arrivée du Conseiller Umya qui les fit taire ? Il s’était vêtu à la manière des Maÿcentres, sans doute pour faire honneur au président et il fallait avouer que ça lui allait bien. Voila que maintenant, je révisais même mes jugements sur la sobriété des tenues des Maÿcentres. Je n’étais vraiment pas bien moi.

Le conseiller s’avança très digne au milieu des hommes qui s’écartèrent pour le laisser passer. Il paraissait très sérieux et réprimandait d’un simple regard la conduite scandaleuse de ses hommes qui comprirent le message. Pourtant, il n’émanait de lui qu’excitation et joie. C’était un très bon comédien. Le maître du jeu avait décidé que le fou devait faire preuve d’autorité et, si la contradiction entre son attitude et ses émotions était flagrante, je parus être la seule à le remarquer. Arrivé devant moi, il me fit son plus beau salut et, de sa voix grave et sévère, il me dit que le président Synshy souhaitait me rencontrer. Sans doute n’était-il plus capable de tenir son rôle plus longtemps car c’est d’un ton plus cordial qu’il me dit qu’en tant que conseiller, il se permettait d’évoquer le fait que parfois, certaines concessions se devaient d’être faite et qu’il se ferait un plaisir de m’escorter jusqu’au président.

Je n’avais pas le choix, pourtant, je ne pouvais m’empêcher de chercher quelque chose pour me sortir de là. Je devais gagner du temps. Parler à Glace, n’importe quoi. Je rageais intérieurement mais il n’y avait rien à faire.

Je me tournai vers le conseiller, résignée à le suivre. Il me tendit son bras. Il avait retrouvé sa fausse dignité autoritaire renforcée par sa tenue d’apparat.

C’était ça la solution pensai-je dans un éclair.

Je tentai de me fabriquer un aussi beau masque de comédien que le lui et l’interpellai : « Sy Conseiller, ce sera un honneur pour moi de saluer notre nouveau président. Veuillez avoir l’obligeance d’attendre que je m’habille d’une façon plus conforme aux exigences des Maÿcentres afin de mettre en avant le respect que j’ai envers lui. » Chaque mot m’étouffait la gorge. Jamais je n’aurais l’aisance du conseiller pour dire de telles sottises mais il ne pouvait pas m’interdire cela. Enfin, j’espérais.

Un des gardes placé le plus loin fit encore une remarque déplacée, un autre dit qu’on n’avait pas le temps, un troisième argua du fait qu’en général, la décence n’était pas notre priorité et un autre qu’on était incapable d’avoir le moindre respect pour qui que ce soit. Le conseiller intensifia son air sévère en croisant les bras sur ses larges manches et leur jeta un regard désapprobateur avant de m’ouvrir la porte des quartiers de Glace en me faisant signe d’entrer. D’autres personnes s’avancèrent dans le but évident de me suivre mais Umya referma la porte avant qu’ils aient eu le temps de franchir la porte.

Une fois seule à l’intérieur, j’avais commencé par paniquer, tournant en rond comme un animal en cage, scrutant les murs à la recherche d’une ouverture imaginaire. Ensuite, je m’étais forcée à m’asseoir et à respirer tranquillement malgré mon cœur qui s’emballait et mes mains moites. Je devais contacter Glace, lui serait que faire. Je m’étais rapproché de lui, suffisamment pour sentir à quel point il s’inquiétais lui aussi, ce qui ne m’avait pas rassurée du tout. Je ne m’étais pas attardée sur ses pensées et lui avais expliqué le plus vite possible la situation dans laquelle je me trouvais. Il n’avait pas paru s’en inquiéter d’avantage et m’avait dit de suivre Umya et de le rejoindre. De toute façon, je n’avais pas le choix. Il m’avait dit aussi qu’il restait une chance de partir d’ici ce soir alors que je prenne tout ce dont j’avais besoin et il avait fini en me disant que surtout, il était hors de question que je fasse un scandale et que je devais me tenir correctement. De toute façon, toutes nos conversations finissaient sur ses détails. Tout en l’écoutant, j’avais fouillé pour trouver une pièce de coton soyeux bleue nuit rehaussé de broderies dorées que j’avais enroulé autour de moi tel un sari. Ce n’était pas vraiment faire honneur au président de s’habiller selon les coutumes de Plume, mais au moins, j’aurais plus de prestance ainsi. C’était un tissu d’homme mais personne ne verrait la différence.

« C’est quoi ton plan ? » demandai-je en passant une fine écharpe bleue claire derrière la tête avant d’en rabattre un pan jusque devant les yeux.

Personne ne me répondit. Je sentais encore la fraîche odeur mentholée de mon frère auprès de moi mais ses pensées se concentraient maintenant sur les paroles de son interlocuteur. Je pris les bouts de métaux, cherchai quelque chose de plus discret que le sac dans lequel ils étaient rangés et les mis dans une sacoche en tissu en espérant qu’on ne se pose pas trop de question là-dessus. J’y ajoutais mon petit calepin et sortis. Bien sur, mon escorte ne s’était pas réduite, mais habillée ainsi, même voilée, ils n’osèrent plus faire de remarques désobligeantes. Ca me redonna un peu de courage.

Le conseiller était encore plus excité. Je me demandais s’il manigançait quelque chose ou si c’était juste la perspective de voir comment la partie allait se jouer.

Il tendit à nouveau son bras et je passais devant lui tandis que de la main il effleurait le tissu de ma robe et m’escorta fièrement jusqu’à la grande salle qui servait aussi de plate-forme d’atterrissage. Synshy avait fait les choses en grand. Il devait y avoir au moins une centaine d’homme qui l’escortait. Cinq navettes étaient posées en plus du vaisseau présidentiel. Ce ne devait pas être du goût d’Archuleta, tout ce monde n’était pas des plus discret. J’avais pensé le trouver dans une des petites salles, mais sans doute préférait-il une humiliation devant tout son petit monde. Ne pas faire de scandale, me taire. Je me répétais les paroles de Glace tout en avançant.

Quelques personnes se déplacèrent me dégageant enfin la vue sur le président. Là, d’un coup, j’avais eu l’impression de perdre le sens des réalités et je m’étais arrêtée. Sinshy tout fier à la place d’honneur, ça n’allait pas. C’était le président Eysky qui aurait dû être là. Bien sur, je savais qu’il était mort et que cette tête d’œuf l’avait remplacé, mais peut-être qu’avant ce moment, je ne l’avais pas vraiment réalisé. D’un coup, ce n’était plus des paroles, c’était la réalité que j’avais devant moi. C’était fini les airs désespérés d’Eysky dès que je faisais une bêtise, ses tentatives ridicules pour obtenir mon amitié dans l’espoir que j’agisse sur Plume à son avantage, ses grands discours sur ses espoirs pour les Maÿcentres auxquels il croyait avec tant de ferveur. Celui que j’avais devant moi n’essayerait pas de me convaincre de quoi que ce soit, ni même de discuter.

Je savais que quelqu’un me parlait mais je n’entendais pas. J’étais comme hypnotisée par le spectacle devant moi. « Alors, Eysky est vraiment mort » murmurai-je tout doucement traversée par une sincère tristesse.

Quelqu’un me tira soudain et m’entraîna vers l’avant. Faire ce qu’on lui dit la petite sorcière. Je poussais un cri en revenant à la réalité devant se déferlement de dégoût.

Le général Gentry commanda à ses hommes de me lâcher avec un affolement qui n’était pas feint mais ils me poussèrent sans ménagement devant eux. Je sentis encore l’impatience de l’homme qui espérait un châtiment exemplaire et je m’écroulai devant le nouveau président.

« Quel plaisir de vous voir ainsi Adarii. Vous n’imaginez pas depuis combien de temps je ne rêve que de ça »

Je me relevai aussi vite que mes membres endoloris me le permettaient.

Comme à son habitude, Sinshy ou plutôt Synshy, puisque sa promotion lui avait valu un y supplémentaire, avait la tête basse et une aura malsaine l’entourait. Comme les mauvaises choses ne changeaient jamais, je reconnus la Main à ses cotés qui jubilait d’une joie mauvaise. Pendant un moment, personne ne dit mot. Synshy prit calmement un de ses infects cigarillo et relevant enfin la tête, m’envoya une bouffée en pleine figure.

Malgré tous mes efforts, je ne pus m’empêcher de tousser.

« Petite vermine qui disait sans cesse qu’elle ne recevait d’ordre que du président. Et bien, vous l’avez en face de vous » Il m’avait craché cela au visage émanant un plaisir sordide. « Alors, couvrez-vous et baissez la tête, je n’ai aucune envie de voir vos jolis yeux perfides ». Tout en disant cela il rabattit mon foulard qui était tombé quand on m’avait bousculée.

Prise d’une sotte assurance, j’oubliai un instant que je devais me taire et je répliquai avec autant de dégoût dans la voix que lui : « J’ai dit que j’obéissais au président Eysky, jamais je n’ai parlé de vous quelque soit votre rang.

- Stupide, même avec lui vous n’en faisiez qu’à votre tête. Complot avec le deuxième satellite et avec Saphir, acte de violence envers le fils du président et je ne parle pas de vos insubordinations quotidiennes. Je ne sais pas encore ce que je vais faire de vous. Peut-être les Terriens seraient-ils content de vous étudier, ou alors, le satellite Exil vous accueillerait volontiers.

Je frissonnai à l’évocation du satellite prison tandis que Synshy envoyait une autre bouffée de fumée acre. Mais non, jamais il ne ferait pas ça. Il n’oserait pas, il se mettrait tout l’assemblée des Maîtres Adarii sur le dos. Mais n’étais-je pas un peu naïve d’imaginer que le peuple Adarii se remuerait pour ma petite personne ? Et même, au fond, n’était-ce pas ce qu’il désirait ? Une excuse pour mettre la main sur Plume.

Quelqu’un m’empoigna. Il voulait se faire bien voir en m’obligeant à baisser la tête comme l’avait ordonné Synshy.

« Lache-là » répliqua le président, « Ton supérieur t’a dit de ne pas la toucher. Qu’imagines-tu ? Que cette loi est pour les préserver des sauvages que nous sommes à leurs yeux ? Ces gens-là sont capables de découvrir tout ce que tu caches aux plus profonds de tes pensées les plus intimes par simple contact. »

Je ne vis pas sa réaction ni celle des autres, mais les effluves aigres de peur s’intensifièrent à travers la salle. Je remerciais soudain le conseiller Umya d’avoir parlé de ce détail à Gentry. C’était déjà ça de moins à redouter. N’empêche que, jamais le président Eysky ne se serait permis de parler aussi vulgairement. Il savait se faire obéir sans élever le ton. C’était un vrai leader. Bon, pas avec moi, mais son peuple l’écoutait avec une réelle admiration. Je doutais fort que celui-là soit aussi apprécié.

« Et vu la réaction de votre chef, je crois qu’il est tout à fait au courant. Mais il semblerait cependant que vous ayez omis de préciser certaines choses à vos hommes Syhi Général. Sachez qu’avec moi, ça ne se passera pas ainsi. Je serais tout à fait honnête avec vous, et j’exige que vous le soyez autant avec vos hommes. Nous travaillons ensemble, il faut pouvoir se faire confiance et mon premier acte de président sera de vous débarrasser de cette vermine », dit-il en me pointant du doigt.

« Ca suffit ». C’était la voix de Glace qui avait retentie. Je le remarquai debout, les bras croisés, au coté du général Gentry et du conseiller Umya. Il avait revêtu un pantalon des Maÿcentres mais sa tunique était de Plume ainsi que le drapé qu’il portait, un pan rabattu. Je me fis la remarque que le conseiller Glace n’avait jamais besoin de se cacher ainsi. « En voila assez Président. Les infractions de l’Adarii Pluie concernent la Terre. Elle partira d’ici et je veillerais à ce qu’elle ne dépasse plus les limites de la plate-forme de Saphir-Plume, mais il ne vous appartient pas de la traiter ainsi »

Par contre, pensais-je encore, le conseiller Glace ne se permettrait pas de parler ainsi au président des Maÿcentres. Il avait repris sa position d’Adarii. Je n’arrivais pas à cerner si c’était de bon ou mauvais augure.

« Bien sur, parce que vous avez sans doute de l’autorité sur elle. Alors comment se fait-il qu’elle soit venue ici malgré votre surveillance ?

Vous êtes démis de vos fonctions conseiller Taegaïan. Je ne veux plus vous voir sur Terre ni vous ni aucun de vos semblables et encore moins sur les Maÿcentres. »

A la manière dont il avait dit cela, je compris que le problème avait déjà été soulevé et que les responsables Terriens avaient déjà donné leur d’accord pour se débarrasser de lui. Ce n’était pas une surprise mais ça m’affligeait tout de même. J’étais triste pour lui. Qu’on me traite n’importe comment, mais lui, il n’avait rien fait, au contraire, il se démenait pour la Terre. Bien plus que ceux des Maÿcentres qui ne voulaient au fond qu’exploiter les richesses de la planète. Pourquoi ne voulaient-ils pas s’en rendre compte ? Ils auraient dû lui faire confiance, ils avaient de bons rapports avec lui.

Un jour, le conseiller Umya m’avait dit qu’on ne pouvait pas avoir en même temps du pouvoir sur quelqu’un et son amitié. Je lui avais répliqué qu’on devrait au moins pouvoir choisir l’un ou l’autre. Il m’avait alors demandé ce que je choisirais. Il m’avait regardé plein de piquante curiosité, mais je ne lui avais pas répondu, il n’avait pas à me poser de question. Il m’avait dit que ne pas répondre, était aussi une réponse en soi.

Le président s’était lancé dans un discours qui semblait improvisé mais que je ne doutais pas être mûrement réfléchi. Eysky réfléchissait toujours seul à ses discours. Il disait qu’il faisait passer ses idées, pas celles émises par d’autres. Synshy ne devait sans doute pas être capable d’aligner deux phrases. C’était peut-être la Main qui rédigeait ses textes.

« Entendons nous bien », disait-il maintenant suffisamment fort pour ce faire entendre de tous « Si je suis venu à vous aujourd’hui, c’est pour vous faire part des nouvelles mesures concernant la Terre. J’ai de grands projets pour votre peuple mais, en premier, je veux créer de nouvelles bases avec vous. Des bases dont les appuis solides seront forgés dans l’honnêteté et la confiance et, contrairement au président Eysky, je ne pense pas que la confiance puisse s’acquérir entouré d’espions surveillant la moindre pensée des hommes qui travaillent pour moi. Mes dignitaires, je le choisis parce que je leur fais confiance. Qu’ils soient issus de Vengeance, des Maÿcentres, ou de la Terre. Car j’ai l’espoir de voir la Terre un jour prochain élevé au même titre que les autres nations. Avec les mêmes droits et les mêmes privilèges. Pour vivre en harmonie comme un seul peuple. »

Non, ce n’était pas la Main qui avait écrit cela. J’avais beau la détester, elle avait un certain talent. Le discours de Sinshy était vraiment mauvais et il n’en croyait pas un mot.

« Je ne bannis pas Plume ni Saphir, mais mon empire, je le veux basé sur l’égalité, sur la démocratie, sur l’honneur.

Il continua plus bas, me soufflant son haleine fétide au visage : « Autant de concepts que les Adarii devraient apprendre à maîtriser avant de revenir nous narguer. » Ne pas bouger, pensai-je alors que mes poings se crispaient. Je tentais d’imaginer le plaisir que j’éprouverais à envoyer ce poing dans sa face d’œuf. Mais l’idée ne suffisait pas et il continuait à clamer un avenir d’opulence et de faste tandis que je restais tête baissée à attendre qu’il s’adresse à moi.

- Je vais le tuer dis-je mentalement à Glace. Fais quelque chose, n’importe quoi.

- Attends, ne bouge pas, Orage arrive

- Comment ça Orage arrive ?

Mais je n’avais pas eu le temps de me poser la question longtemps, le président continuait : « Je ne peux rester aveugle aux souffrance du peuple de Plume réduit à l’esclavage, vivant des miettes laissées par leurs bourreaux. »

Ca y est, c’était trop. Ne pas faire de scandale, me taire. Il avait fini oui, à qui comptait-il faire croire ça ?

Mais tout le monde le croyait.

« Vaisseaux non identifié a passé la passerelle d’entrée ». Le micro avait cassé le discours de Synshy qui semblait fortement désappointé de cette interruption malvenue.

Toutes les têtes se tournèrent vers le couloir d’approche puis s’écartèrent tandis que le vaisseau au sigle de Taegaïan venait se poser au centre de la plate-forme. Le temps parut s’arrêter un instant tandis que la tension augmentait autour de moi.

Synshy fut le premier à réagir : « Virez-moi çà, c’est le vaisseau d’Orage », s’exclama-t-il en s’affolant soudainement. Mais il se reprit presque instantanément. « Non, Au fond, laissez le venir. Il est temps qu’il voit ce qu’il en coûte de défier les Maÿcentres. Puis, se tournant vers moi, il reprit beaucoup plus doucement. Qu’est-ce que vous avez encore manigancé comme coup tordu ? »

Quand la porte coulissa, je retins mon souffle. Je pensais voir Orage, mais celui qui parut à l’entrée, je ne le connaissais pas. Totalement abêti, l’inconnu fit un pas puis fut propulsé à l’extérieur et s’écroula à terre.

Ensuite seulement apparut Orage. Quand il sortit de l’ombre du vaisseau, je compris vraiment à quel point il était impressionnant. Même moi, j’avais l’impression qu’il irradiait. La colère sans aucun doute. La salle fut immédiatement plongée dans le silence dès qu’il leva ses yeux trop verts. Personne ne le connaissait parmi les Terriens et il se dégagea de la foule comme une vague d’appréhension suivie d’autre chose plus difficile à cerner. Ils avaient l’air subjugués par cette apparition. Orage quant à lui, ne s’était pas pris la peine de se couvrir et toisait l’assistance avec un air de défi accentuant encore l’effet qu’il produisait. « Cette chose a eu la présomption d’imaginer pouvoir m’assassiner dans ma propre maison », dit-il enfin en Anglais après avoir repéré Gentry parmi la foule.

Il descendit de la navette alors que l’assemblée semblait retenir sa respiration et attrapa par le col l’homme qui gisait encore à terre.

« Avance », dit-il le forçant à se lever avant de reprendre : « Général Gentry, J’ai tenu à vous remettre votre concitoyen en main propre. Que ce soit clair, je me fiche éperdument de savoir comment il a pu arriver sur les Maÿcentres, et de là, violer l’intimité de l’ambassade de Plume pour tenter de me tuer dans mon propre lit.

Tout ce que je constate, c’est que vous êtes dangereux. Tout en disant cela, il jeta l’homme au pied du général sans un regard pour le nouveau président. En plus, j’ai ouie dire que vous reteniez ici une personne qui m’est particulièrement chère »

- Votre cousine est entrée illégalement sur Terre et j’ai de bonnes raisons de penser qu’elle n’est pas la seule.

- Et cet homme est entré illégalement sur les Maÿcentres pour tenter de m’assassiner alors, pensez bien que je ne suis pas prêt à faire des concessions.

Pluie, tu viens ici » ajouta-t-il

« C’est à moi de décider ce qu’il adviendra de Pluie ».

C’est seulement sous ses paroles que Orage daigna prêter attention à Synshy.

« Pour vous, c’est Adarii Pluie Taegaïan. Mais au fond, Sinshy, ne seriez-vous pas mêlé à cette histoire ?

- Je n’ai plus à répondre à vos questions Adarii. Et pour vous, c’est Maÿ Président Synshy » ajouta-t-il

« C’est vrai que vous êtes issus de cette ancienne noblesse guerrière. Après cinq cents ans de pacifisme sous le règne des Syhy, les Maÿ reprennent le pouvoir. Et comme par hasard, vous commencez votre règne après un meurtre et une tentative de meurtre sur les plus éminentes personnalités des Maÿcentres. J’ai de quoi m’interroger mais, vous avez raison, ça ne me regarde pas. Je vais même vous accorder votre requête. Je vais quitter les Maÿcentres. Je repars avec Pluie. Et Glace » ajouta-t-il après une hésitation « puisque apparemment vous ne souhaitez pas le garder ici. Je ne doute pas que la Terre le regrettera car il devait être le seul à prendre vraiment le bien de cette planète en considération. »

J’en profitais pour jeter un coup d’œil au conseiller Umya qui avait perdu sa belle prestance habituelle. Il était des plus perplexe. Au échec, pensais-je on ne rajoutait pas de nouveaux pions ou chevaux. La partie ne se déroulait sans doute pas suivant ses espérances. Il faudra qu’il apprenne que la vie n’était pas un jeu.

« Mais ce n’est pas mon problème continuait Orage

En ce qui nous concerne, nous repartons dans l’ombre de notre lointaine planète primitive tandis que, sans nous, les puissantes Maÿcentres flamboierons à leur aise dans la lumière des vainqueurs. »

Le conseiller Umya se remit à jubiler intérieurement tandis que la fierté du président semblait avoir disparu d’un coup, et qu’il recommençait à diffuser sa colère autour de lui. Pourtant, c’est d’une voix calme qu’il répondit : « Mon vœux le plus cher est un empire de paix et de prospérité et c’est pour cette unique raison que j’accepte de vous laisser partir mais sachez que la Terre est sous notre protection et qu’en aucun cas, je n’admettrais que les vôtres ne viennent troubler la paix d’une si belle planète. Je veux que tous en chacun ici soi libre de penser sans crainte et que personne ne puisse être victime d’aucune brutalité sortie de vos esprits défaillants.

Filez vous », ajouta-t-il m’indiquant la direction à prendre d’un ample geste plein de dédain.

C’était trop beau, trop facile. Je restais sur place ne sachant que faire, redoutant un piège.

Glace m’attrapa par le bras et me traîna presque vers le vaisseau. Il avait rabattu son drapé sur les épaules et irradiait presque autant qu’Orage. Les hommes s’écartèrent pour le laisser passer mais à mon grand étonnement, ce n’était pas ni la crainte, ni le dégoût qui les faisaient agir ainsi. Ils avaient peur de moi, mais pour Glace, ils ne ressentaient qu’admiration.

« Je n’ai pas donné mon accord en ce qui concerne la jeune Adarii » dit le général Gentry. « Je voudrais bien savoir ce qu’elle faisait sur Terre et surtout s’il en reste d’autres. »

Je fermai les yeux, je l’avais dit que c’était trop beau.

« Général » reprit Orage en s’approchant de lui pour ne pas avoir à élever la voix : « Soit il n’y a personne d’autre et vous ne craignez rien, soit il y en a d’autres et, dans ce cas, si vous nous retenez, dans moins de vingt-quatre heures la Terre entière saura ce qu’il se passe ici.

- Des menaces maintenant ?

- Nous n’avons pas beaucoup de moyens dans notre monde primitif », dit Orage en soupirant, « alors nous sommes bien obligés d’utiliser nos maigres ressources. Toutes nos maigres ressources.

- Et comment pourrais-je être sûr que vous ne direz rien ?

- Parce que nous n’en avons aucun intérêt.

- Par vengeance.

- Syhi Général, nos planètes, la première, nous l’avons appelée Saphir en raison de la pureté d’une pierre précieuse et de la beauté des océans. La deuxième, nous l’avons appelée Plume en l’honneur d’une plante dont les feuilles sont plus douces et légères que le duvet d’un oiseau.

Pour la Vengeance, voyez avec le Maÿ » dit-il en désignant Synshy du doigt.

Tandis qu’Orage faisait son petit discours, Glace me poussa à l’intérieur du vaisseau. A peine entrée, j’entendis un coup de feu retentir. Orage, pensai-je en me précipitant vers la sortie. Glace me bloqua le passage. « Reste-là » ordonna-t-il d’un ton encore plus froid que son nom.

« Plus jamais ça » hurla la voix d’Orage de l’extérieur.

Je tentais de voir ce qu’il se passait mais Glace me bloquait l’entrée. J’aperçus cependant Orage tenant fermement Mike. « Si quelqu’un ose encore pointer une arme sur moi, il en pâtira.

- Lâchez-le » criait le général.

- Je ne m’abaisserais pas à votre niveau, bien sur que je le relâcherai, mais uniquement quand nous serons sortis d’ici et en sûreté. En attendant, puisque nous ne pouvons pas vous faire confiance, il reste avec nous. »

Orage entra à son tour dans le vaisseau tenant Mike contre lui. La porte refermée, il le jeta littéralement à l’intérieur et se précipita à l’avant avec Crayon. Quant à moi, je me pelotonnais sur un fauteuil à l’arrière, perdue dans mes sentiments contradictoires. Peur de Synshy, soulagement d’en être sortie, envie de me jeter dans les bras d’Orage, dégoût d’avoir ne fut-ce que penser à cela, heureuse de partir enfin, crainte de ce qui risquait de nous arriver. Et surtout ça avait été trop facile. Beaucoup trop.

Il allait se passer quelque chose, on ne nous laisserait pas partir. J’avais bien compris qu’Orage avait profité de son petit discours ridicule pour accaparer l’attention du général afin qu’il soit plus conciliant, mais Synshy ? Je scrutais l’obscurité totale par les vitres fumées comme si je pouvais apercevoir quelque chose.

« Je suppose que vous ne m’avez pas traîner ici dans le seul but de me relâcher un peu plus loin.

J’avais presque oublié Mike. C’est vrai ça, qu’est-ce qu’il faisait là ?

Orage quitta son poste laissant les commandes à Crayon. J’aperçus Miroir qui l’accompagnait aussi puis il ferma la porte avant.

« Glace » dit-il « Ca fait combien de temps que nous ne nous sommes pas retrouvé face à face mon cousin ?

- Beaucoup trop » dit Glace serrant son cousin dans une étreinte fraternelle.

- Tu as changé et pas en bien. La Terre ne te réussit pas. Tu deviens presque aussi blanc que les hommes des Maÿcentres.

- Oui, je ne suis pas mécontent de sortir au fond.

- Ce qu’il te faut c’est l’air de chez nous. Un peu de soleil et quelques jolies filles.

- Ce serait bien en effet.

- Jolie retrouvaille. Et moi là-dedans ?

C’était exactement ce que je pensais, pourtant c’était Mike qui avait prononcé cette interrogation.

« Ne me prenez pas pour un idiot » continuait-il « j’ai bien vu que l’homme qui a tiré ne l’a pas fait volontairement. Vous l’avez obligé. Tous ça pour avoir une excuse pour m’entraîner ici.

- Dans ce cas, tu aurais pu aussi le faire viser Synshy.

- La jolie Pluie, toujours aussi douce et pacifiste. » dit Orage comme s’il m’apercevait enfin. « Je suis heureux de te voir. Même si ça ne me paraît pas réciproque. »

Je le vis se tourner vers Glace échangeant un message mental qui fit sourire ce dernier.

Je rageais d’être mise ainsi à l’écart.

« Mais là n’est pas la question » reprit Orage tout haut. « Pourquoi m’as-tu demandé de prendre ça ? » dit-il en désignant Mike. « J’ai adoré que, pour une fois, tu concoctes des plans aussi mauvais que les miens, mais dans quel but ?

- Nous avons quelques mots à dire à Mike. C’est la seule façon que j’ai trouvé pour lui parler en privé.

- Un peu exagéré non ?

- Peut-être, mais efficace.

- Je vois. Que vouliez-vous me dire ?

Orage et Glace échangèrent encore quelques mots mentalement. Orage sembla hésiter, secoua la tête et finit par conclure tout haut : « De toute façon, tu n’en feras qu’à ta tête, mais je persiste à croire qu’on ferait bien mieux de quitter tout ça. Ne compte pas sur moi pour te suivre là-dedans.

- Je n’en avais aucune intention. Rentre chez toi et prends de l’avance pour tes projets sinon je vais te doubler mais raconte-lui ce que tu as appris.

- Dire qu’on avait tout sous les yeux et qu’on a rien vu. J’en rage encore.

Un regard glacial de son cousin poussa Orage à parler :

« J’ai découvert que l’homme qui m’a attaqué faisait parti d’une secte appelée lumière des vainqueurs. Après renseignements de Sentiment, il s’agirait d’un organisme reconnus mais absolument pas pris au sérieux par la Terre. Ces hommes clament haut et fort à qui veut l’entendre qu’ils obéissent à une puissance extraterrestre et qu’ils préparent leur arrivée. Que ceux qui seront avec eux se verront récompenser et que ceux qui seront contre plieront le genou devant la toute puissance des hommes venus d’ailleurs et autres boniments dans le style. »

Ca y est, dès qu’il se passait quelque chose d’important, je n’étais pas mise au courant, comme d’habitude. Pourquoi se fatiguer à expliquer à Pluie. De toute façon, ça ne la regardait pas, elle n’avait qu’à se contenter de faire ce qu’on lui demandait Pluie.

- Peut-être que si tu me laissais t’approcher, j’aurais pu te parler.

L’ironie d’Orage me transperçait et le fait qu’ils surprennent ainsi mes pensées me mit encore plus en rage. Je m’appuyais contre le dossier du fauteuil et écoutais. De toute façon, il dirait tout à Mike. Mike était plus important que moi sans doute.

« Il y a des dizaines d’organisations farfelues dans ce genre. » Disait Mike

« Sauf que celle-là n’est pas farfelue » répliqua Glace

« C’est là où ils ont joué forts » reprit Orage « plutôt que de se cacher, ils se sont mis en avant et nous n’avons rien vu. »

Je me remémorais la phrase bizarre qu’avait dit Orage à Sinshy, au président Synshy, décidément, je ne m’y ferais jamais. Qu’avait-il dit ? « Et nous repartons dans notre petite planète primitive tandis que les Maÿcentres seront à leur aise dans la lumière des vainqueurs. » un truc dans le genre. Oui, c’est pour cela que c’était si facile, Orage voulait par là dire à Synshy que s’il ne nous laissait pas partir, il révélait tout au sujet de cette secte. Donc Synshy y était bien mêlé.

Je ne l’avais jamais cru mêlé à quoi que ce soit. Orage le surveillait trop mais, encore une fois, il avait raison. Comment avait-il pu faire tout ça derrière son dos ?

- Je ne sais pas petite Pluie » me dit mon frère « mais ça ne présage rien de bon. Apparemment, il n’y a pas que les Terriens qui peuvent mentir aux Adarii.

« Vous pouviez vous en douter » lançais-je de mon fauteuil à Mike et Glace « après tout, vous aussi vous vous cachez en diffusant à qui veut l’entendre les histoires les plus stupides possibles concernant Archuleta.

- Et vous m’avez enlevé dans l’espoir que j’aille voir ça ?

- Enlevé, c’est un bien grand mot », dit Glace. « si tu n’avais pas voulu nous suivre, tu aurais très bien pu te débarrasser d’Orage. Tu es bien plus fort que lui.

Pendant une seconde, je perçus la colère d’Orage devant la taquinerie de Glace puis, tout disparut tandis qu’il cloisonnait ses sentiments. N’empêche qu’il n’avait pas tort. Orage était peut-être un télépathe très puissant mais, contre Mike, il ne pouvait rien et au corps à corps, une simple comparaison entre le corps presque trop musclé de Mike et la silhouette mince et élancée d’Orage ne laissait aucun doute sur l’issue du combat. Un sentiment de joie légèrement pervers m’envahit soudain à l’idée du fier Orage si démunis.

- Pense plutôt à ce qu’il adviendrait de nous si les hommes des Maÿcentres trouvaient le moyen d’acquérir de tels pouvoirs.

J’en revins à la conversation en entendant le nom de mon père.

« C’est de la folie » répondit Orage. « Tu ne comptes pas sérieusement reprendre la société d’Espoir ?

- Un des buts premiers de cet organisme était de surveiller les agissements des Maÿcentres sur Terre. Si nous voulons découvrir ce qu’ils comptent faire exactement par cette secte, je ne vois rien de mieux placé pour nous aider.

Dis-moi, Mike, si je reprends la société d’Espoir, sur qui puis-je compter ?

- Sur Max sans aucun doute. Il a pas mal de moyens techniques et quelques relations.

- Bien », reprit Glace, « dans ce cas, nous allons en France. De là, je veux que Mike me mette en rapport avec Max. Ensuite, il retournera à Archuleta. Penses-tu que Thibault accepterait de nous transmettre les informations ?

- Après ce que Pluie et ses amies lui ont fait, ce n’est pas évident » dit Mike avec un regard des plus fâchés contre moi.

« C’est lui qui a commencé. »

Glace me regarda lui aussi d’un air furieux puis Orage reprit : « De toute façon, ça m’étonnerait qu’Archuleta dure encore longtemps

- Que veux-tu dire ? demanda Mike se tournant vers Orage qui s’était installé confortablement sur un des canapés.

« Synshy a toujours détesté être cloisonné dans cette base. Et le fait qu’il fasse germer des organisations au titre aussi ronflant que la lumière des vainqueurs prouve bien que les métastases des Maÿcentres ne vont pas tarder à pousser partout.

- Raison de plus pour voir au plus vite ce qui se trame dans cette pseudo secte. Je m’occuperai de ça avec Sentiment. » reprit Glace.

« Tu veux dire que tu restes sur Terre ?


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