samedi 29 mars 2008

Partie 2 chapitre 4

4

"Les petites pluies sont longues, les tempêtes soudaines sont courtes."

[William Shakespeare]
Extrait de La vie et la mort du roi Richard II


Thibault s’avéra de loin la personne la plus bizarre que j’avais pu rencontrer jusque là. Il passait sans transition de comportements et d’un langage digne d’un enfant de douze ans à des explications scientifiques complexes sur les soi-disant connaissances des constellations des civilisations précolombiennes. Il paraissait toujours plaisanter en parlant de sujets sérieux et au contraire pouvait ce concentrer pendant des heures sur un élément totalement anodin. Il nous expliqua que c’était Hélène qui lui avait présenté mon père à la demande de ce dernier. D’elle je n’avais réussi à lui soutirer aucune information si ce n’est que c’était une très jolie fille quoique les termes qu’il avait employé pour la décrire étaient bien moins distingués. Ca devait correspondre à l’époque où mon père m’avait amené sur Terre. Il est vrai que, durant les trois ans que nous avons passé ensemble avant sa mort, il s’absentait souvent. Je ne m’étais pas vraiment posé beaucoup de questions sur ses activités à l’époque étant bien trop excitée par la découverte de ce nouveau monde. J’avais été très fière en arrivant sur Terre avec les maigres connaissances que m’avait inculquée Espoir d’avoir pu, en deux ans, rattrapée le niveau des enfants de mon age. Ensuite, je m’étais ennuyée à mourir devant la lenteur de l’apprentissage. J’avais eu un léger regain d’attention en Angleterre, le temps d’assimiler cette langue nouvelle, mais il n’avait pas duré longtemps. Pourtant, je devais admettre que Thibault dépassait largement mes potentiels et ceux des Adarii en général. Il n’avait que seize ans à l’époque. Il était en pension dans un établissement spécialisé pour surdoué et, parallèlement, préparait une licence en thermodynamique. Je ne crois pas pour autant qu’il n’ait jamais eu conscience du sens du mot : « travailler ». Mon père s’y était intéressé surtout à cause de ses capacités psychiques particulières. J’aurais aimé savoir comment il avait pu découvrir les potentialités de ce garçon mais, là aussi, Thibault n’en savait rien. Ou en tout cas, nous disait qu’il n’en savait rien, car il fut vite évident que, contrairement aux hommes des Maÿcentres, Thibault n’avait aucun mal à nous cacher pas mal de choses et ne s’en privait pas, se délectant en nous donnant des informations aux compte goutte alors que j’enrageais à traîner ici.

Outre ses intérêts particuliers, mon père l’avait aussi formé sur quelques techniques des Maÿcentres et, peu avant sa disparition, ils avaient commencé à travailler ensemble sur les civilisations précolombiennes. Qu’est ce qui avait mené mon père à s’intéresser au sujet ? Là aussi, le mystère restait entier. D’après Thibault, Espoir aurait reçu certaines informations par un certain Onirique sans que je ne puisse rien savoir sur ce personnage. En tout cas, ce nom, bien que typiquement Adarii n’appartenait à aucun territoire de notre connaissance. Peut-être une des provinces de Saphir mais mon père n’avait jamais été sur Saphir. Enfin, après tout, je n’en savais rien. En tout cas, cet Onirique, lui avais mis en tête qu’il pourrait y avoir une ancienne civilisation Adarii ayant vécue sur Terre ce qui, pour mon grand malheur, corroborait les hypothèses farfelues de Tempête. Mon père avait laissé le soin à Thibault de faire quelques recherches sur le sujet dans ses temps libres et, comme il n’avait pas l’habitude de se contenter de faire les choses à moitié, il avait commencé par suivre le cursus d’archéologie tout en se spécialisant dans les langues et cultures des civilisations d’Amériques du sud.

Je le laissais la plupart du temps discuter de tout cela avec Sentiment car je dois avouer que j’étais totalement dépassée par ses discours.

« Il est encore là lui ? »

Je posai mon crayon et fermai mon nouveau calepin. Tempête venait d’entrer dans la chambre. Vu sa tenue et ses cheveux mouillés, elle revenait sans doute de la piscine. Déjà, avant l’arrivée de Thibault, elle avait du mal à travailler, mais maintenant, c’était pire. Je me demandais ce qui pourrait la motiver. La seule personne qui avait jamais eu la moindre autorité sur elle, s’était Orage. - Tu ne pourrais pas dire à Tempête de se calmer sérieusement pensai-je.

- L’orage n’a jamais su qu’attiser la pluie et le vent. Me répondit ce dernier.

Je traduisis bien vite cette jolie pensée par « débrouille-toi mais ne te fais pas la moindre illusion, tu n’arriveras à rien »

Je soupirai et repris mon écriture : Si, Thibault avait réussi à se faire accepter par Sentiment, ce qui me paraissait un exploit, ses rapports avec Tempête étaient beaucoup plus difficiles. Cette dernière, qui avait sans doute beaucoup trop pris l’habitude de se faire obéir au doigt et à l’œil, supportait difficilement de se retrouver face à quelqu’un capable de lui résister et elle ne se gênait par pour le qualifier de monstre ou d’erreur de la nature ce qui ne semblait pas atteindre Thibault le moins du monde.

« Tempête en novembre t’en… » Thibault n’eut pas le temps de finir sa phrase que Tempête le coupa net : « Si tu fais encore un jeu de mot salace, je m’arrange pour te faire disparaître à tout jamais. Puisque Espoir t’a enseigné tant de chose, il ne t’a pas aussi appris le respect ? »

Thibault releva un instant les yeux du document sur lequel il était penché « Bien sur que si, suffisamment pour savoir que je n’irais jamais m’installer chez vous. La hiérarchie, ce n’est pas mon truc. Il m’a appris aussi qu’on se devait de respecter les coutumes de l’endroit dans lequel on se trouvait. » Il laissa un temps d’attente avant de poursuivre. « En plus, que peut-on espérer d’une erreur de la nature ?

- Bon, arrêtez les disputes, et on descend manger, il est déjà tard, si nous attendons encore, le restaurant sera fermé. » Je remerciais Sentiment pour son bon sens.

« Allez-y sans moi » répliqua Tempête en claquant la porte de sa chambre « j’ai déjà mangé. »

Je me levai et rangeai mon cahier dans ma chambre tandis que Thibault me suivait des yeux sans avoir l’air d’ébaucher le moindre geste pour se lever. Sentiment s’approcha de la porte et lui dit de nous suivre mais il ne bougea pas. « Je vais rester avec elle » nous dit-il désignant du menton la chambre de Tempête.

« Tu n’es pas sérieux Thibault, tu n’imagines tout de même pas pouvoir la calmer ? Peut-être qu’elle exagère, mais toi aussi. »

Il me regarda comme si mon intervention était la plus amusante qu’il soit et répliqua d’un air mystérieux : Les petites Pluies sont longues, les Tempêtes sont courtes. »

Puis il se remit à sourire : « Maintenant, si vous le permettez, je vous propose un deal. Vous allez manger et je m’occupe de l’Adarii Tempête. Soit je n’arrive à rien et, dans ce cas, nous n’aurons rien perdu car je n’imagine pas que sa mauvaise humeur puisse encore empirer. Soit nous arrivons à un semblant de compromis et nous aurons gagné beaucoup, au moins sur l’ambiance de notre petite balade. »

J’étais très sceptique mais, d’un autre coté, je n’avais pas l’intention de me gâcher la soirée à cause des humeurs de Tempête.

« Qu’est-ce que tu comptes faire ?

- Peut-être ai-je des talents cachés avec les femmes » dit-il en faisant un clin d’œil.

« N’y pense même pas. »

Thibault se retourna vers Sentiment et continua : « Je pourrais y penser mais elle ne le saurait pas, c’est ça qui la rend dingue. Mais non en fait, vous avez raison, ce n’est pas mon point fort. Je vais sans doute me contenter de m’excuser. »

Sentiment me prit par le bras et m’entraîna à l’extérieur. « C’est ça, va t’excuser. »

Certains clients de l’hôtel quittaient déjà le restaurant quand on entra. On choisit une table pour deux dans un coin reculé et je déplaçai le bouquet de fleur fraîche pour mieux voir Sentiment. Je commençais à en avoir assez de cet hôtel. La nourriture était excellente mais le service était beaucoup trop lent. En plus, il me paraissait dangereux de laisser Tempête et Thibault trop longtemps dans la même pièce. Je calculais mentalement qu’il y avait déjà plus de deux semaines que nous étions sur Terre. Une éternité. Mieux valait ne pas y penser.

« Nous n’aurions pas dû la laisser avec lui. »

Sentiment réfléchit quelque instants avant de répondre : « Pourquoi ? Tu crois qu’elle n’est pas de taille à se défendre ?

- Si, bien sur ». Quoique, en y réfléchissant, contre Thibault ce n’était pas certain. « Mais, je ne suis pas d’accord avec Thibault quand il dit que la situation ne pourrait pas être pire.

- En effet. C’est pourquoi ce n’est pas si mal de les laisser tous les deux. Qu’ils règlent leurs différents une bonne fois pour toute. Ensuite, nous verrons ce que nous pouvons faire. »

Sentiment se servit un verre de vin et s’attaqua distraitement à un morceau de pain avant de continuer : « Je suis inquiète. J’étais peu enthousiaste à l’idée de venir ici, mais Thibault a vraiment des connaissances exceptionnelles et je commence à croire qu’avec lui, s’il y a quelque chose à trouver, il en est capable. Ce serait trop bête de devoir le laisser tomber parce que Tempête ne le supporte pas.

- Je ne te reconnais pas Sentiment, ce n’est pas ton genre de faire preuve de tant d’humilité devant un simple humain comme tu les appelles. » J’avais utilisé pour dire cela le mot voulant dire être humain dans la langue des Maÿcentres sachant qu’elle appelait ainsi les non Adarii que pour ma part j’avais pris l’habitude d’appeler : “Autre” comme le faisait Orage.

« Premièrement, je ne dirais jamais ce genre de chose devant lui. Il est bien suffisamment conscient de ses capacités pour en rajouter. Et deuxièmement, un simple humain ne serait pas capable d’espionner des conversations mentales. Même moi, je ne sais pas le faire, sauf avec les personnes avec qui je suis liée, et il ne résisterait pas à Tempête, ni à moi d’ailleurs.

- Parce que tu as essayé de le manipuler ?

- Bien sur.

- Et ?

- Et rien. Il m’a regardée en me fixant avec le sourire qu’il arbore toujours avant de dire quelque chose qui ne va pas nous plaire et ensuite, il s’est contenté de faire exactement le contraire de ce que je lui avais demandé.

- Tu as l’air de l’accepter mieux que Tempête ?

- Tempête ne voit pas plus loin que le bout de son nez. Elle rêvait de la Terre comme on rêve d’une terre de liberté ou elle pourrait agir à sa guise sans aucune contrainte et voilà que la seule personne dont nous avons besoin, est aussi la seule dont elle ne peut pas faire ce qu’elle veut. En plus il s’en donne à cœur joie dans son rôle de rebelle. Je ne peux pas dire que j’apprécie ses façons de faire, mais il m’intrigue. J’aimerais voir jusqu’où il peut aller. » Elle attendit que le serveur débarrasse la table avant de répondre « Oui, il m’intéresse beaucoup.

- Tu penses qu’il est une erreur de la nature ? »

- Non, bien sur. Je pense qu’il est la preuve vivante du bien fondée de ses théories et qu’il le sait.

- C’est à dire ?

- J’imagine qu’il existait, il y a quinze mille ans, une civilisation quelque part sur Terre et je pense que nous en sommes les descendants et lui aussi.

- Une ancienne civilisation Adarii ?

- Sans doute pas telle que nous la connaissons aujourd’hui mais c’est possible.

- Tu considères Thibault comme Adarii ?

- Non, et d’ailleurs, il ferait bien lui aussi de ne pas se considérer comme tel. Je ne tolérerai pas longtemps la liberté qu’il prend envers nous. Mais, je pense qu’il est plus proche de nous que des dégénérés qui peuplent les Maÿcentres. D’ailleurs, aucun Adarii n’a jamais réussi à avoir un enfant avec quelqu’un des Maÿcentres ni même un homme du peuple de Plume. Incompatibilité génétique. Je suis sûre que ton père s’est intéressé à ta mère car il avait découvert ses particularités et que Thibault est exactement pareil mais, vu ton air, tu t’en fiches éperdument.

- Ce n’est pas ça, c’est que…

- Tu voudrais partir d’ici, je sais. Où en est Orage avec les Maÿcentres ?

- Eysky a réussi à étouffer l’affaire à propos de la fille Lïtïl en faisant passer le scandale de son fils comme le comportement excessif d’un adolescent parce qu’Orage aurait regardé sa fiancée de façon effrontée. On ne sait pas s’il a réussi à faire admettre cette version des faits mais je suppose que tout le monde s’en contentera. En plus, maintenant, il justifie notre absence en expliquant qu’il veut prouver à quel point il a confiance en ceux qui l’entoure. Orage le suit toujours dans ses déplacements dans les basses villes et, au niveau du conseil, il a tout de même récupéré ta place d’ambassadeur.

- Il paraît difficile en effet de rejeter le seul ambassadeur d’une planète.

- Oui, mais ça ne lui apporte pas grand-chose.

D’après ce que j’ai compris, il veut voir l’ambassadeur Paya avant de partir, mais Orage et Paya sont surveillés. Eysky prend bien soin d’éviter que ces deux-là se retrouvent en contact. Par contre, il ne voulait plus qu’il participe aux réunions du conseil, mais il parait revenir sur cette décision, surtout en ce qui concerne la Terre. La plupart des conseillers veulent se débarrasser de l’emprise d’Archuleta et Eysky commence à craindre qu’ils outrepassent ses ordres à ce niveau-là.

- Ils le feront, sans aucun doute. Et Sinshy ?

- C’est une idée fixe chez vous. Déjà, à vous trois, vous n’avez pas réussi à l’approcher. Ce n’est pas Orage tout seul qui arrivera à quoi que ce soit. » En plus, c’était absurde de s’acharner sur lui mais ça, je le gardais pour moi.

- Faut voir », dit Sentiment. « Orage est très puissant. »

Sentiment disant quelque chose de gentil sur Orage, j’en aurais presque lâché ma fourchette.

« Ne me regarde pas ainsi. J’ai d’autres buts dans la vie que dénigrer Orage et je connais ses potentiels. C’est d’ailleurs pour cela que je me méfie de lui et tu ferais bien d’en faire autant. La seule qui pourrait être capable d’avoir la moindre prise sur lui, c’est toi et tu n’en profites même pas » Elle se leva et posa sa serviette sur la table « Il est tard », ajouta-t-elle. « Je pense qu’il serait temps d’aller voir où ils en sont en haut. »

Qu’est-ce qu’elle voulait dire par là ? Pensai-je en me levant à mon tour. Je regardais autour de moi. Nous étions les derniers encore assis dans la salle. Pour une fois, je n’avais pas vu le temps passer. Je sortis du restaurant derrière Sentiment. Quelques personnes s’attardaient encore au bar et un musicien s’était installé au piano. La porte était ouverte sur le jardin laissant entrer un léger courant d’air. J’avais eu envie de m’attarder un instant à boire un dernier verre mais Sentiment avait raison, il fallait éviter de laisser les choses s’envenimer. Tout en montant l’escalier, je tendis mon esprit vers Tempête espérant tâter l’atmosphère mais ne réussis pas à la contacter. Je suivis Sentiment dans la suite mais je devinais qu’elle était vide avant même de vérifier les chambres.

« Je n’arrive pas à contacter Tempête » dis-je à Sentiment

« Je sais, j’ai essayé aussi. Elle n’écoute pas. Reste ici. Je vais vérifier la chambre de Thibault. »

Thibault avait trouvé une chambre dans le même hôtel, deux étages en dessous. Sentiment ne mit pas longtemps à constater que sa chambre était, elle aussi, déserte. La situation m’inquiétait. Non pas que je craignais qu’il arrive quelque chose à Tempête mais je réalisais que, l’un comme l’autre, étaient tout aussi bon pour faire preuve de comportements totalement insensées. Il valait peut-être mieux qu’ils s’occupent en se disputant car, s’ils décidaient tout à coup de s’entendre, nous ne pourrions sans doute pas imaginer les idées malsaines qui en ressortiraient. J’en fis la réflexion à Sentiment qui me rassura en m’assurant qu’il y avait bien peu de chance pour qu’ils soient encore ensemble à cette heure-ci et que, si Tempête ne répondait pas, cela prouvait qu’elle devait être trop en colère pour avoir envie de partager ses émotions. Sur ce, elle disparut dans sa chambre tandis que je m’allongeais sur mon lit.

J’essayais de dormir, mais le sommeil me fuyait. Je finis par me lever et enfiler la première robe que je trouvais avant de descendre au bar. La nuit était déjà bien avancée et la plupart des habitués de l’hôtel étaient trop âgés pour s’attarder le soir. Il n’y avait plus qu’un client. La soixantaine, dégarni, allure sportive de quelqu’un qui s’entretient. Il tourna la tête à mon arrivé avec cet air mi-inquiet mi-intéressé qu’il devait présenter devant chacun de nous. Je l’avais déjà aperçu quelquefois. De ce que j’avais entendu par Tempête qui prenait un grand plaisir à récolter les ragots sur chaque client afin de les étoffer avant de le retransmettre, c’était un aristocrate sur le déclin ayant encore assez de fortune pour se payer sa retraite dans ce genre d’endroit. Je m’installai du coté opposé et commandai un soda.

« Vous le mettrez sur ma chambre » dit l’homme au serveur tout en se déplaçant vers moi. « Vous m’excuserez, je n’ai jamais pu supporter voir une femme être obligée de payer son verre. Une attitude sans doute démodée mais un vieil homme comme moi peut bien avoir quelques caprices.

- Vous ne me paraissez pas si vieux. »

Ce n’était pas un compliment. Pourtant, il parut le prendre comme tel. « Je vous ai souvent aperçue mais je n’ai pas encore eu l’occasion de me présenter. Dom Varga.

- Enchanté. Je m’appelle Val Taegaïan.

- Taegaïan, Ce n’est pas un nom de la région ça, laissez-moi deviner. La peau dorée de quelqu’un ayant toujours vécue au soleil, je dirais que vous venez de ces îles du pacifique. La consonance ne trompe pas, vous avez du sang de là-bas. »

J’acquiesçais. Si ça lui faisait plaisir… Je lui dis que je venais de nouvelle Calédonie, que mon père était originaire de cette île et ma mère Italienne. Qu’est-ce qu’il ne fallait pas inventer comme idiotie. Je pensais que moi, il me suffirait de le toucher pour tout savoir de lui. J’avais presque envie de le faire. Juste comme ça mais il reprit la parole et je m’obligeai à l’écouter un minimum.

« J’ai eu l’occasion de converser plusieurs fois avec votre amie, la señorita Maniya. »

Je me demandais si il y avait quelqu’un ici qui n’avait pas eu ce plaisir. Je ne doutais pas que ce fut un plaisir, elle les conditionnait pour qu’ils le pensent.

« Une jeune femme charmante, vive, intelligente, toujours avenante. Elle non plus ne passe pas inaperçue. » Il s’arrêta espérant que je dise quelque chose, fusant de curiosité, puis reprit devant mon silence. « Vous préparez une expédition dans les Andes si j’ai bien compris ? »

Je me mordis les lèvres, prise de cours. Pourquoi ne pouvait-elle jamais tenir sa langue. « En effet, je vois que mademoiselle Maniya vous a fait part de nos projets » J’espérais, en le laissant sur le sujet, apprendre plus précisément ce qu’elle avait raconté.

« Je n’ai pas eu l’occasion d’aborder le sujet avec la señorita Maniya. C’est ce jeune homme qui vous a rejoint qui m’en a parlé. señor Malta. C’est bien cela ? »

Il n’attendit pas que je confirme pour continuer. « Un jeune homme de très bonne éducation lui aussi. Un vrai gentleman. Ca fait plaisir de voir qu’il y a encore une jeunesse respectable, au moins dans nos milieux, et particulièrement instruit. Je lui reprocherais juste sa façon de s’habiller, mais je pense que c’est l’époque qui veut ça. Tout de même, pour aller au casino, il aurait pu mettre une chemise.

Mais, sans doute suis-je démodé.

- Au casino ? » Une étincelle d’intérêt m’éveilla soudain. Si Tempête et Thibault se mettaient au jeu d’argent, toute la ville les connaîtrait avant la fin de la soirée.

« Oui, enfin c’est ce qu’il m’a dit tout à l’heure.

- Je peux savoir ce qu’il vous a dit exactement ?

- Ma foi, je ne me souviens pas. Juste que vous comptiez monter une expédition dans la cordillère des Andes et qu’il comptait passer la soirée au casino pour trouver les fonds nécessaires. »

Je soupirai et me pris la tête dans les mains. Comment avais-je pu être assez naïve pour penser qu’il voulait juste se réconcilier avec Tempête.

Varga dut se méprendre sur mon air affligé. « Je vous comprends, j’ai toujours pensé que les jeux d’argent étaient bien plus utiles pour gaspiller sa fortune que pour en acquérir. D’autant plus que sa soi-disant tactique infaillible me paraît des plus aléatoires.

- Tactique infaillible ? » Je relevai la tête prête à entendre le pire et bus encore une gorgée. Si j’avais su, j’aurais commandé de l’alcool fort.

« Oui, il m’a confié que la señorita Maniya était capable de déplacer des objets par la seule force de sa volonté et qu’il comptait là-dessus pour tricher au dé. »

Je m’étranglais. « Il vous a dit ça ?

- Oui, il faut avouer qu’il a une façon de plaisanter tout en paraissant des plus sérieux. Décidément, j’aime beaucoup ce garçon. Les jeunes ont trop souvent tendance à oublier leur humour devant des vieux comme moi. Voyons, ne soyez pas si affligée señorita Taegaïan, perdre au jeu de temps en temps n’est pas si grave.

- Vous ne diriez pas cela s’il jouait avec votre argent.

- Parce que c’est sur vos fonds qu’il joue ? Dans ce cas, je vous recommande de le retrouver au plus vite si vous ne voulez pas finir ruinée ».

***

L’Autre vieux avec ses manières trop travaillées m’avait recommandé d’aller retrouver Tempête et Thibault au plus vite si je ne voulais pas finir ruinée.

Je ne m’inquiétais nullement d’une potentielle ruine, je dirais même plus que je craignais d’imaginer la fortune qu’ils pourraient amonceler en quelques heures. Et dire que je commençais à m’habituer à Thibault. Pourtant, je l’avais senti de suite qu’on ne pouvait pas lui faire confiance. Heureusement, le casino n’était pas loin. L’hôtel dominait le bord de mer dans un quartier huppé où alternaient boites de nuit branchées et autres lieux de dépravation réservés à la jeunesse dorée Péruvienne et souvent aussi américaine qui se pavanaient jusque sur la plage dans des tenues pires que celles de Tempête dans le seul but d’attirer l’attention sur leur personne. D’ailleurs, le terme « personne » voulait dire : « quelqu’un » mais aussi : « pas un ». Ici, cette dualité prenait tout son sens : un ramassis d’insignifiance espérant mettre en avant leur identité en se faisant remarquer. Le casino se situait face à la mer. Quelques places de parking accueillaient des voitures de sports et quelques limousines d’où sortaient des hommes en smoking et des femmes en robe longue. Ma simple robe ne serait pas du meilleur effet dans ce milieu mais ce n’était pas ma priorité pensais-je en entrant dans une grande salle à l’ambiance feutrée. J’imaginais devoir chercher Tempête et Thibault. C’était sans doute une idée bien trop optimiste. Je n’ai eu absolument aucun mal à les repérer parmi la foule. En fait, personne n’aurait pu les éviter même en le voulant très fort. Tempête était debout devant une table de jeu. Toute une cours l’observait totalement subjuguée par cette grande jeune fille si étrange, inquiétante et ravissante. Quant à elle, elle parlait fort et avait une tendance que je ne lui connaissais que trop bien à accompagner ses paroles avec les bras. Elle faisait toujours cela quand elle était exaltée. Elle portait une robe du soir : long fourreaux rouge dont le profond décolletés à la limite de la décence faisait ressortir sa féminité. Son accent chantant et son mélange de français et d’espagnol ajoutaient à son charme, mais je me doutais que ce n’était pas uniquement cet aspect qui avait attiré autant de monde à sa table. Thibault était à ses cotés, penché vers elle. Il semblait lui glisser quelques mots à l’oreille avec un air réjoui. Je compris aussitôt ce qu’avait voulu dire Dom Varga au sujet des goûts vestimentaires. Thibault portait un costume de la meilleur coupe mais, sur un de ses éternels tee-shirt dont celui-là portait l’inscription : « regardez-moi » dans des caractères suffisamment gros pour que je puisse les lire à l’autre bout de la table.

Comme je m’y attendais, Tempête avait déjà gagné gros, beaucoup trop à mon goût. Surprenant quelques pensées de personnes se frottant trop à moi dans cette atmosphère suffocante, je saisis qu’elle avait commencé à la roulette et continuait maintenant au dé. A aucun moment, elle n’avait prêté la moindre attention à moi et j’en venais à me demander si, prise par la frénésie du jeu, elle m’avait même remarquée.

« J’ajoute deux mille » cria-t-elle haut et fort « et je vous fais un six ». S’en suivis une longue comédie au cours de laquelle elle frotta longuement son dé dans ses mains avant de l’embrasser et d’envoyer un baiser à la foule. « Pour la chance » dit-elle à ses admirateurs subjugués. Elle se décida enfin à l’envoyer rouler de l’autre côté du tapis.

Trois annonça-t-on. Désolé, señorita, on dirait que la chance tourne.

Le visage de Tempête s’était décomposé. Pendant un instant, je crus qu’elle allait se mettre à pleurer tellement elle paraissait déçue puis se tourna enfin vers moi.

- Tu as dévié mon dé. Ce n’était plus de la tristesse qui accompagnait sa pensée, elle était vraiment fâchée.

Je lui répondis par le même moyen.

- Tu as suffisamment gagné ce soir.

- Mais c’est de la triche !

Je ne me donnais pas la peine de répondre, j’avais peur qu’elle pense sincèrement que mon action contre elle était pire que la soirée entière où elle n’avait fait que tricher.

- Dis au revoir et rejoins-moi.

Je me détournai, la laissant expliquer d’un air avenant que, quand la chance vous laissait tomber, il fallait s’arrêter, et qu’elle était prête à parier que plus personne ne gagnerait quoique ce soit ce soir.

« Je suis contente de te voir » me dit-elle ayant déjà oublié mon intervention dans sa partie. Ses yeux étaient pétillants, son sourire beaucoup trop grand mais, c’est surtout sa façon de se tenir à mon bras qui me fit comprendre la situation.

« C’est pas vrai, mais en plus, tu as beaucoup trop bu !

- Non pas tant que ça » expliqua-t-elle d’un air penaud que trahissait son mensonge, Thibault nous rejoignit impassible tandis que je le fusillais du regard.

Je n’insistai pas et nous marchâmes en silence jusqu’à l’hôtel. Je ramenai Tempête jusqu'à sa chambre. Thibault s’était éclipsé, mais je ne le laissais pas se défiler ainsi : Je redescendis jusqu'à sa chambre et entrai sans frapper.

Il était déjà torse nu et se brossait les dents l’air de rien.

« Tu es renvoyé. »

J’avais dit ça sans réfléchir, sous le coup de la colère. Que m’importait qu’il soit le seul à pouvoir mener cette expédition ? De toute façon, je n’en voyais pas l’intérêt.

« Vous me renvoyez parce je fais fructifier votre argent ? » Dit-il crachant du dentifrice.

« Je ne veux plus te voir parce que tu te sers de Tempête. »

Il partit dans la salle de bain et se rinça consciencieusement la bouche. « Vous la prenez pour qui ? Une pauvre fille qui s’est retrouvé méchamment abusée par le vilain garçon que je suis ? Vous plaisantez là ?

- Pourquoi faire ça ? Nous avons déjà les fonds nécessaires pour boucler l’expédition. Qu’avais-tu besoin de te faire remarquer ainsi ?

- D’abord, si vous aviez observé un tout petit peu la partie, vous auriez remarqué qu’on ne gagnait pas plus souvent que les autres. C’est juste qu’il se trouve que, par le plus grand des hasards, on gagnait au moment où la mise était la plus élevée. C’est beaucoup plus discret. Quant au pourquoi, disons que c’est pour la prime de risque. Après tout, je ne sais pas ce qui peut arriver, vous pouvez me lâcher d’un coup alors que j’ai dépensé presque tout le forfait que m’a laissé Maître Espoir et après me retrouver sur la paille et.

- Tu vas me faire pleurer, pauvre génie incompris et sans doute exploité par ses employeurs canadiens.

Il me regarda les yeux agrandis de surprise avant d’éclater de rire. Lui aussi avait sans doute beaucoup trop bu vu son élocution difficile.

- Mes employeurs canadiens ? Putain, je me suis déjà fait virer de ce poste depuis un bon mois.

- Comment ça viré ? Tu as piqué dans la caisse ?

- Mais non, j’ai fait exploser le labo. J’ai profité des vacances pour m’introduire dans le laboratoire afin de tester un couplage entre des panneaux solaires Terriens et des amplificateurs d’énergie de Vengeance. C’est pas encore au point mais, vu l’explosion, il y a de l’idée ».

Je ne me donnai même pas la peine de répondre, je n’en pouvais plus de cet énergumène. Je sortis de la chambre et fermai la porte derrière moi. En rentrant dans la suite, je passai la tête par la chambre de Tempête. Elle dormait déjà. Je n’avais plus la force de penser. Je m’écroulai sur mon lit et m’endormis sans prendre la peine de me déshabiller.

***

Quand je me levai le lendemain, Sentiment était déjà sortie et Tempête dormait toujours. Aussi, après une bonne douche, je descendis seule prendre mon petit déjeuner. J’étais à peine assise que Thibault vint me rejoindre. Il portait une assiette contenant un empilement de petits croissants qui vacilla dangereusement quand il la posa en face de moi. J’étais encore fâchée contre lui, même si ma colère s’était fortement atténuée et j’aurais préféré ne pas le voir avant d’avoir sérieusement réfléchi au comportement à adopter envers lui.

« C’est pour t’en convaincre » dis-je en pointant du doigt l’inscription « je suis le meilleur » sur son tee-shirt du jour.

Il se contenta de sourire. « Non, moi je le sais, c’est pour convaincre les autres.

- Et ça marche ?

- Difficile à dire. Il faudrait le tester sur un imbécile. Comment savoir si les gens pensent que je suis le meilleur parce que c’est le cas ou parce que c’est écrit ?

- Prétentieux de la part d’un génie au chômage.

- Attendez, si vous parlez de cette histoire de labo, on aurait dû me donner une médaille pour ce que j’ai réussi à faire. N’importe quelle personne sensée aurait admiré une telle puissance, mais ce type cherchait une raison pour me virer depuis qu’il m’avait surpris à coucher avec sa fille dans son bureau.

- De pire en pire. Tant que tu y étais, tu ne lui as pas aussi annoncé que tu utilisais des technologies extraterrestres. » J’avais sans doute pousser l’ironie un peu loin mais la réponse dépassa mes pires estimations.

« Bien sur que si, tout le monde était au courant.

- Tu plaisantes là ?

- Oui et non, oui tout le monde le sait et non personne ne m’a jamais cru. Le plus drôle, c’est quand un journaliste m’a dit que je faisais bien trop de modestie en attribuant mes trouvailles à d’autres. A sa décharge, il ne me connaissait que très peu.

- Parce que tu racontes à qui veut l’entendre que tu as des contacts avec d’autres mondes ?

- Personne ne veut l’entendre.

- Je croyais que tu travaillais dans la désinformation avec Max.

- Moi, sûrement pas, je n’ai jamais adhéré à cela. Je suis quelqu’un d’intègre, de droit.

- Qui triche au casino.

- Disons que j’ai une certaine morale.

- Tu n’as aucune morale.

Il se mit à rire de bon cœur et s’approcha de moi pour me chuchoter à l’oreille : « Depuis quand les Adarii s’intéressent-ils à la morale ? Si j’ai bien compris, vous êtes le résultat d’une expérience consistant à bousiller la vie d’une pauvre gamine en lui faisant un enfant à seize ans juste pour voir ce que ça donne.

Bien sur que je suis au courant », ajouta-t-il devant mon air décomposé « Je sais bien plus de chose que Max

Ha oui, elle est belle la morale Adarii.

- Je ne te permets pas.

- Mais je ne me permets pas non plus. Je ne juge pas, je constate.

Vous, vous ne trichez pas et moi, je ne mens pas. Si avec ça on se sent plus en phase avec notre conscience où est le mal ?

- Je suppose que mon père n’était pas au courant de ton “ intégrité”.

- Maître Espoir m’a toujours formellement interdit de mentir. J’ai obéi.

- Parce que personne n’a jamais, ne fut-ce que imaginer, que tu pourrais dire la vérité ?

- Les gens ne croient que ce qu’ils ont envie de croire et, pour l’instant, ils ne sont pas prêts à croire en autre chose qu’eux-mêmes. » Il haussa les épaules. « C’est dommage, Je n’aime pas agir dans l’ombre », dit-il en avalant un nouveau croissant « Ha si ! J’ai quand même été contacté par Archuleta il y a quelques années. A eux, j’ai menti.

- Pourquoi ? Tu aurais pu travailler avec eux.

- Pour me retrouver enfermer dans une taupinière, très peu pour moi. En plus, je n’aime pas trop ce qu’il se trame là-bas.

- Qu’est-ce que tu en sais ?

- Chère Miss Pluie, Archuleta est le plus grand centre de recherche entre la Terre et la confédération Vengeance-Maÿcentres, ou les mondes extérieurs comme vous les appelez sur Plume voire le seul, et vous imaginez que moi, je n’aurais pas des contacts là-bas ? Vous me connaissez mal.

Je sais que les Maÿcentres veulent conquérir le Terre, je sais que votre frère travaille là-bas et que lui, veut les cantonner dans cette base. Je sais même que vous êtes allée y faire un tour il y a quelques mois et que vous avez mis un peu d’animation mais, à la description que j’ai eu de vous, je ne vous aurais pas reconnue. Je suis déçu. Pourtant, mon contact avait même réussi l’exploit de voir la couleur de vos yeux, ce qui apparemment n’est pas des plus bienséants dans les cultures des Maÿcentres. Il paraît que vous avez les mêmes yeux que votre frère. J’ajouterais aussi, les mêmes que votre père.

- Qui ?

- Comment ça qui ?

- Qui est ton contact ?

- Je ne suis plus viré ? »

Je réfléchis. Non seulement nous avions besoin de lui pour l’expédition mais surtout, il connaissait suffisamment de choses pour devenir vraiment dangereux si je ne le gardais pas à l’œil.

« D’accord, tu me donnes le nom de ton contact et tu fais parti de l’expédition.

- Vraiment trop gentille. » Il n’était pas dupe. Il savait bien qu’on ne pouvait pas se passer de lui.

« Mike Gentry.

“Gentry”. Ce nom ne m’était pas inconnu. « Tu plaisantes ! C’est le responsable Terrien du projet. Non impossible.

- En effet, ce n’est pas lui. C’est son fils et il est responsable de la sécurité. Un vrai petit génie de l’électronique celui-là.

- Génie, comme ce genre de génie que mon père affectionnait ?

- Oui, ce genre-là.

- Comme ce genre de Mike que tu as dit que tu ne connaissais pas ?

- Celui-là même. »

Ce qu’il pouvait être exaspérant à tout nous cacher sans arrêt. « Et le fils du général en plus. Le hasard paraît trop beau.

- Oui, il paraît toujours trop beau quand on s’arrange pour mettre au dessus de la pile le nom de Gentry quand une place de directeur de projet se libère. Pas évident ce coup-là. Mais, une fois le père entré dans la taupinière, ce ne fut pas difficile de faire suivre le fils.

- Et tu es certain que le général n’est pas au courant de ses agissements ?

- Même votre frère ne le sait pas.

Je pensais qu’il ne tarderait pas à le savoir. Je le laissais en tête à tête avec ses croissants et croisai Sentiment qui revenait du jardin.

« Ca ne va pas du tout. Je ne sais pas à quel jeu joue Thibault mais une chose est sûre : Il est totalement imprévisible.

- Je suis au courant de ses péripéties, j’ai aperçue Tempête. Au moins, ils se sont réconciliés.

- C’est trop dangereux, nous allons finir par nous faire repérer. Ca ne vaut pas le coup de risquer autant pour quelques vieilles pierres.

- Si je me réfère aux dires de Thibault, il pourrait y avoir plus que quelques vieilles pierres. De toute façon, nous partons demain. J’ai trouvé un vol intérieur jusqu’à Arequipa et de là, Thibault louera une voiture pour rejoindre le lac Titicaca puis Tiwanaku.

- Sois raisonnable, qu’est-ce que tu espères trouver ? Ces ruines ont déjà été fouillées. Sans parler qu’elles doivent regorger de touristes. En plus, Thibault a un contact à Archuleta, ce qui veut dire que, sur un simple coup de tête, il peut nous dénoncer. Il est dangereux.

- Raison de plus pour rester avec lui. Je pense qu’il a découvert quelque chose. Evidemment, tu le connais, il refuse d’en dire plus de peur que nous le laissions tomber si nous avons toutes les informations.

- C’est du bluff oui.

Mon estime pour Thibault, si j’en avais jamais eu, était tombée d’un coup alors que, tel les vases communiquant, ses facéties avaient conquis Tempête. Ses connaissances faisaient l’admiration de Sentiment et moi seule semblais consciente du danger qu’il représentait. Sentiment n’avait pas tout à fait tort en disant qu’il fallait le garder à l’œil. C’était bien ce que je comptais faire. Aussi, quand je tombai sur lui en début d’après midi, je décidai de me montrer des plus cordiale à la place de fuir à l’autre bout de l’hôtel.

J’avais réussi à contacter Glace. Ca faisait plus de trois jours qu’à chaque fois que j’essayais, il était trop occupé pour me parler mais j’avais insistés pour pouvoir aborder cette histoire de contact à Archuleta.

- Mike Gentry me dit-il sans hésiter avant même que je n’évoque son nom.

- Tu le connais ?

- Pas personnellement mais, on ne peut pas dire qu’il passe inaperçu. Disons qu’il est différent.

- Il est surdoué. D’après ce que m’en a dit Thibault, c’est un génie de l’électronique et il est le chef de la sécurité à Archuleta.

- Surdoué, je ne sais pas, et chef de la sécurité, sûrement pas. Enfin, pas officiellement. Il n’est qu’un simple employé, mais j’ai en effet remarqué que, malgré son jeune age, et sa position pas spécialement élevée, il se fait respecter de quasiment tout le monde. Je pense qu’il peut-être un allié intéressant mais, je me méfierais de lui tout de même.

La porte de la chambre claqua ce qui me fit sursauter et m’éloigna de Glace. Je me retournai pour me trouver nez à nez avec Thibault.

« Tu m’espionnes ? » demandai-je me rappelant soudain qu’il était capable de surprendre des communications mentales.

« Allez savoir ? » répondit-il. Il portait un amoncellement de documents qu’il posa d’abord sur la table du salon avant de les étaler consciencieusement dans la pièce dans une sorte de désordre organisé.

« Où as-tu trouvé tout cela ?

- A la bibliothèque de Lima évidemment ».

Je regardais quelques ouvrages. C’étaient des livres spécialisés dans les écritures anciennes. Ca paraissait très complexe et je devais bien admettre que si nous avions été obligé d’assimiler une telle masse d’information, on en aurait eu pour plusieurs années.

D’autres documents par contre ne venaient sûrement pas de la bibliothèque. « Et ça d’où ça vient ?» demandais-je en désignant quelques vieux parchemins.

« Ce sont des anciens documents Adarii.

- J’ai reconnu merci. Comment ce genre de chose s’est-il retrouvé entre tes mains ? »

En général la calligraphie Adarii étaient utilisée justement pour éviter que n’importe qui mette son nez sur ce genre de documentation.

« Ne vous emportez pas ainsi miss Pluie, c’est Maître Espoir qui me les a confiés et, s’il me les a laissés, c’est qu’il me jugeait digne de les lire. Je m’en sers pour comparer certains idéogrammes avec les écritures anciennes des Aymaras, un ancien peuple des Andes. Je n’ai pas trouvé grand-chose jusqu’à maintenant. Mais, je vous rassure, ça ne trahit pas de grands secrets, c’est un juste un traité explicatif sur les prénoms Adarii.

Très compliqué d’ailleurs.

- Tu me ferais croire que le petit génie en thermodynamiques et archéologie butte sur la simple histoire des prénoms des provinces de Plume ?

- Non, mais je me demandais si la dénomination des Adarii était choisie en fonction de la personnalité ou si c’était le fait de porter le nom qui allait ensuite influencer la personnalité ?

Ca m’apprendrait à engager la conversation avec Thibault. Il ne pouvait pas s’empêcher d’avoir des raisonnements interminables sur tout et n’importe quoi.

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